ƒ article de Denis Sanglard

© Le Générateur

Ho ! Performance engagée, manifeste contre l’homophobie, ne tient pas toutes ses promesses. A l’origine du projet, une photo. Celle de Kazuo Ohno et de Tatsumi Hijikata, fondateurs de la danse butô, dans un hommage à la Argentina, danseuse flamenca. Kazuo Ohno est travesti. Il incarne comme il le fera à maintes reprises cette danseuse qui l’avait tant impressionné. Mais il serait réducteur de limiter le butô à cette transgression du genre. Or c’est peut-être ce point de départ et son interprétation réductrice qui fausse l’ensemble. Réduire le butô à cela, transgression et refus du genre, c’est faire fausse route et abstraction de l’ensemble des principes généraux de cette « danse des ténèbres ». Or cette performance, qui affirme puiser ses sources dans le butô, devient très vite un catalogue de postures propres au monde queer. – Et de butô, hormis une certaine lenteur lors d’un duo, on n’en perd très vite la trace -. Comme si le travesti devait porter à lui seul ici toute la charge symbolique d’une condition doloriste. Une énumération qui crée le malaise car elle semble se conformer, sans contrepoint aucun, à l’image attendue de l’homosexualité et particulièrement du travesti, autrement dit de la folle. C’est d’autant plus dommageable que les textes lus, certains d’une actualité récente, énumèrent les cas d’homophobie, articles abjects pour la plupart, et les pays où l’homosexualité est condamnée, les homosexuels exécutés. Comme si la différence se devait d’être encore d’être marquée par une attitude outrancière, caricaturale – au regard des hétéros ignorant cet univers bien plus complexe qu’ils ne l’imaginent – qui est certes une réalité mais non pas l’ensemble de celle-ci. Et une des réponses apportée dans l’affirmation de cette différence. L’ambiguïté vient sans doute que cette réponse, cette performance fait à la fois le jeu des homophobes de tout poil et le courage des homosexuels. Et l’on reste ici à la surface, dans ce catalogue illustré du travesti haut en couleurs. On aurait aimé une réponse plus originale et radicale, loin de tous clichés attendus. La question du genre tant débattue aujourd’hui est aussi une façon de faire justement tomber les clichés afférents. Là nous sommes en plein dedans malgré il est vrai de très beaux moments, entre douceur et violence, trop fugaces sur l’ensemble hélas.

Ho ! mise en scène de Bino Sauitzvy
Création et chorégraphie, Bino Sauitzvy et Nando Messias
Interprétation, Bino Sauitzvy, Nando Messias, Magalie Gaudou
Musique, Bianca Casady
Costume, Gaspard Yurkievitch
Lumière, Margot Olliveaux
Collaboration artistique et accessoire, Lika Guillemot

Le Générateur, lieu d’art et de performance
16 rue Charles Frérot
93250 Gentilly
20 et 21 janvier 2015, 20h30
Réservation, 01 49 86 99 14
www.legenerateur.com

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