© Simon Gosselin
ƒƒ article de Hoël Le Corre
Retour aux sources du théâtre pour Christiane Jatahy, qui s’était, ces dernières années, échappée des classiques pour frôler avec des œuvres cinématographiques. Retour même à l’une des pièces les plus emblématiques, les plus jouées, les plus adaptées, du répertoire : Hamlet, ici Hamlet – Dans les plis du temps. A l’instar de Julia (d’après Mademoiselle Julie) et What If They Went to Moscow (d’après Les Trois Sœurs), ici, Christiane Jatahy se livre une fois encore à une relecture, une adaptation contemporaine du monument de Shakespeare.
On retrouve quelques inconditionnels de la metteuse en scène : le maillage théâtre-cinéma, avec des vidéos prises en direct, le mélange entre texte original et écriture plateau, et incarnation physique des émotions. Au vu de ces ingrédients, qui avaient fait le succès des précédentes pièces, on pouvait espérer une pièce fulgurante, puissante et distillant une vision novatrice de l’œuvre. Pourtant, même si on ne s’ennuie pas et que le spectacle contient des passages intéressants, il semble manquer un petit quelque chose pour que la magie opère totalement… Peut-être un liant dramaturgique plus fort, un point de vue décalé vraiment assumé, pour en faire plus qu’une sorte de patchwork dans lequel les spectateurs qui ne connaissent pas bien l’œuvre originale risquent malheureusement de se perdre. On peine à comprendre exactement où va la pièce, quel est l’intérêt de son adaptation contemporaine, quel message actuel ou universel convoque-t-elle ?
La pièce propose néanmoins de belles idées, originales et surprenantes, à commencer par le rôle d’Hamlet lui-même, interprété par Clotilde Hesme, une femme donc, qui diffère indiscutablement du jeune homme habituel. Elle apporte réellement une profondeur tragique et un charisme à son personnage, notamment quand elle s’attaque au fameux monologue « être ou ne pas être ». Mais on peut regretter qu’elle reste quasiment sur le même ton tout au long de la pièce, alors qu’elle paraît avoir toutes les ressources en elles pour déployer une palette bien plus large de jeu.
Autour d’elle gravitent des comédiens qui semblent prendre beaucoup de plaisir à jouer, mais une fois encore, les personnages restent parfois anecdotiques, à l’image d’Ophélie, dont le rôle est assez fantomatique, alors que justement, on aurait eu envie de voir les rôles féminins traitées de façon encore plus poussée, en écho à la féminisation du rôle d’Hamlet.
Une réussite toutefois, marque de fabrique des spectacles de Christiane Jatahy, est le travail du champs et hors champs, entre l’action qui se déroule sur scène, sous nos yeux, et ce qui se passe en coulisses, filmé en direct et diffusé sur la télévision du salon de cet intérieur moderne, rendu possible par l’utilisation d’images filmées en direct et qui ouvrent des pistes de lectures possibles. Tout comme le traitement du spectre du Roi défunt, qui nous surprend en apparaissant d’abord à taille humaine pour progressivement se rapprocher des spectateurs jusqu’à ce que son visage prenne une dimension irréelle imprégnant nos rétines intimidées.
Au final, cet Hamlet – Dans les plis du temps tient sur quelques procédés et un engagement indéniable des comédiens, sans totalement assumer un propos original, développé et marquant, peut-être pas suffisant pour embarquer tout le monde dans cette fable séculaire.
© Simon Gosselin
Hamlet – Dans les plis du temps, d’après William Shakespeare
Adapté et mis en scène par Christiane Jatahy
(En français, avec passages en portugais surtitré)
Avec : Sabel Abreu, Tom Adjibi, Servane Ducorps, Clotilde Hesme, David Houri, Tonan Quito, Matthieu Sampeur
Mis en scène et scénographie : Christiane Jatahy
Traduction : Dorothée Zumstein
Collaboration artistique, scénographie, Lumière : Thomas Walgrave
Direction de la photographie, caméra : Paulo Camacho
Costumes : Fauve Ryckebusch
Système vidéo : Julio Parente
Musique originale : Vitor Araujo
Conception son : Pedro Vituri
Collaboration pour le développement, technique du décor : Marcelo Lipiani
Conseil dramaturgique : Márcia Tiburi, Christophe Triau
Directeur de production et diffusion de la compagnie Vértice : Henrique Mariano
Assistante à la mise en scène : Laurence Kelepikis
Assistante aux costumes : Delphine Capossela
Stagiaire à la mise en scène : Maëlle Puéchoultres
Stagiaire à la scénographie et à la lumière : Kes Bakker
Administratrice de la compagnie : Claudia Petagna
Réalisation du décor : Atelier de construction de l’Odéon-Théâtre de l’Europe et l’équipe technique de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
Interprètes (film) : Loïc Corbery de la Comédie-Française (fantôme/Hamlet-père), Jérémy Lopez de la Comédie-Française (fossoyeur), Cédric Eeckhout (fossoyeur), Jorge Lorca (Laërte), Julie Duclos (présentatrice), et Kes Bakker, Aurélie Barrin, Fernanda Barth, Azelyne Cartigny, Léo Grimard, Jamsy, Martin Jodra, Laurence Kélépikis, Yannick Lingat, Yannick Morzelle, Océane Peillon, Claudia Petagna, Juliette Poissonnier, Maëlle Puéchoultres, Yara Qtaish, Alix Riemer, Andrea Romano, Gabriel Touzeli
Avec les voix enregistrées de Zakariya Gouran (Bernardo), Jauris Casanova (Francisco)
Du 10 au 20 octobre 2024
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h
Durée : 2 h
CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial
75019 Paris
Réservations :
Par téléphone : 01 53 35 50 00
Par email : billetterie@104.fr
comment closed