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Gris, Chorégraphie de Myriam Gourfink, au Centre Georges Pompidou

Fév 17, 2016 | Commentaires fermés sur Gris, Chorégraphie de Myriam Gourfink, au Centre Georges Pompidou

ƒƒ article de Denis Sanglard

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© Zoé Pautet

Quatre danseuses dans un espace réduit, un quadrilatère que la lumière découpe, espace borné infranchissable. Quatre danseuses, deux couples. Des corps collés l’un à l’autre, l’un sur l’autre. Des corps entremêlés, hybrides. Qui jamais, siamois par force et volonté dont les points de contacts évoluent, ne se séparent. Ces quatre danseuses, ces deux couples évoluant en parallèle, traversent cet espace restreint en de subtiles diagonales. Explorent les possibles et les impossibilités de cet attachement forcé, dans les limites de cet espace, enjeu de cette chorégraphie sans action ni narration. Un équilibre toujours sur le souffle qui ne dépend que de ces corps, et de leur accord ou désaccord. Corps en métamorphoses, qui ne font bientôt plus qu’un, redéfinissent l’espace qui les conditionne et qu’à leur tour ils transforment. C’est extrêmement fragile et pourtant d’une force phénoménale tant l’énergie qui se dégage influe sur cette danse faussement statique. Mouvements en slow motion, une lenteur tendue poussée à son extrême. Pas de heurt, ni de fracture, de rupture. Comme un mouvement qui n’en finirait pas de se dérouler en des méandres imprévisibles, dont on ne peut deviner la fin. Mais un mouvement juste  en ce sens où dégraissé de toutes nécessités autres que l’équilibre obligé pour que ces corps ne se lâchent pas, ni ne se relâchent. C’est ce parcours-là, ces corps confrontés à la justesse du mouvement, du frottement, dont leur équilibre dépend, qui est le centre de cette création. Un mouvement dont la dynamique est mise à nu par le rythme imposé, une lenteur poussée à son extrême. Le temps est étiré au maximum. Ainsi très vite la temporalité classique explose, se dissout, qu’accentue le refus de toute action autre que ce mouvement continu qui coule imperceptiblement, irrémédiablement. Il y a là quelque chose de fascinant, d’hypnotique qui fait basculer la représentation dans une autre dimension, une autre temporalité, liée au souffle, à cette énergie concentrée des corps.

La musique de Kasper T. Toepliz, collaborateur depuis près de 10 ans de Myriam Gourfink,  participe de ce phénomène de dissolution des sensations. Une musique qui nappe cette chorégraphie extrême dans un halo musicale aussi agaçant que prenant. Nous sommes littéralement engourdis, plongés, absorbés dans cette danse minimale, plus complexe qu’elle n’y paraît. On peut refuser ce diktat, cette volonté têtue d’aller au bout de ce mouvement et de ce rythme sans que curieusement il ne s’épuise. Mais il faut accepter d’être happé pour  apprécier pleinement cette création sans concession qui laisse aux spectateurs la sensation étrange d’entrer dans un processus qui le projette au sein même de ce qui fait la danse, la mécanique du mouvement et ce qu’elle génère d’émotions contradictoires.

Gris
Chorégraphie Myriam Gourfink
Composition Kasper T. Toeplitz
Musique Kasper T. Toeplitz et Philippe Foch
Danse Carole Garriga, Margot Dorleans, Deborah Lary, Véronique Weil

Du 10 au 13 février à 20h30

Centre Georges Pompidou
Place Georges Pompidou – 75004 Paris
Réservations 01 44 78 12 33
www.centrepompidou.fr

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