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Gold Shower, conception et performance de François Chaignaud et Akaji Maro, Théâtre de Chaillot

Avr 10, 2023 | Commentaires fermés sur Gold Shower, conception et performance de François Chaignaud et Akaji Maro, Théâtre de Chaillot

 

© ADELAP

 

ƒƒƒ Article de Denis Sanglard

Étrange cérémonie, sensuelle, érotique, alliance de la carpe et du lapin mais une réussite fragile, étonnante, épatante et incontestable. Deux danseurs qu’a priori, en apparence, tout oppose. L’âge, la culture et la pratique de la danse. Akaji Maro, danseur butô et fondateur de la compagnie Dairakudakan et François Chaignaud, danseur, performeur et chanteur inclassable. Ces deux-là, curieux l’un de l’autre, complices évidents, se sont rencontrés et dansent aujourd’hui pour le meilleur. Gold Shower au titre si ambigu, chargé d’érotisme trouble, de fétichisme urophile, est une création insensée, toute de douceur et de folie queer et furieuse. Autoportrait en creux et en miroir, univers déglingué, loufoque, franchement camp, se fichant du genre comme d’une guigne, louchant vers Jean Genet sans doute et une mythologie classique réinventée, voire même un univers archaïque dont surgirait çà et là quelques lambeaux cérémoniels. Ce qu’il y a de fascinant c’est comment leurs deux univers s’interpénètrent, se nouent pour abolir toute différence où faire de celles-ci un nouvel espace de création et d’interrogation. L’un et l’autre restent roi, voire reine, dans leur domaine. François Chaignaud tel qu’en lui-même, formidablement plastique. Akaji Maro demeure ce fantôme vide, flottant, pâle et facétieux, grimaçant. Il n’y qu’à découvrir leurs entrées respectives. Maro Akaji, surgit de l’ombre, présence fantomatique expressionniste secouée de spasmes. François Chaignaud sortant de l’eau, solaire, androgyne, dans un grand et long cri muet. Ce cri comme un emprunt à l’univers du butô, une citation. Et c’est d’ailleurs ce à quoi nous assistons. Ni l’un ni l’autre ne se singent mais empruntent à l’autre signes et citations qu’ils métamorphosent. Rien ne s’annule mais au contraire offre d’autres pistes pour une dramaturgie chorégraphique sublime, délicate et grotesque tout à la fois. Que François Chaignaud reprenne quelques pas de son dernier solo, une danse percussive et ceint dans le même corset qui lui étrangle la taille, crée à Annecy récemment, l’intervention d’Akaji Maro métamorphose fissa cette proposition, l’emmenant sur un nouveau territoire bien moins formel ou la forme et le mouvement sont au service de la fable. On pouvait craindre deux solos accolés, le début de cette création semblait l’annoncer, il n’en est rien. Ces deux-là très vite se rencontrent, s’embrassent sur le plateau et font de leurs différences une dynamique et un atout dont ils jouent et se jouent dans cette parade érotique raffiné et burlesque, sublimation de leur admiration réciproque. Et puisque nous parlons de jeux, il y a bien de ça, deux gosses lâchés sur un plateau dont l’aîné n’est pas forcément celui que l’on croit – Akaji Maro ayant cette faculté phénoménale à la régression infantile – s’amusant le plus sérieusement du monde à être adultes sans toutefois vraiment y parvenir. Et leur monde est fait d’images fortes, confondantes de simplicités sans jamais chercher à être spectaculaires. Jouer avec un miroir de poche, s’y regarder et se remaquiller. Rien que cette scène-là vous emporte loin. C’est un art de la présence absolue, dilatée, porté à son sommet. Et c’est peut-être là leur point commun, cet art de la présence dont chacun à sa façon, indépendamment l’un de l’autre et dans leurs créations respectives, cultivent, un minimalisme explosif. Comme cette aisance dans le burlesque propre au cabaret que tous les deux pratiquent. Qui culminent dans le dernier tableau, où drag-queen improbables, costumes de même, ils défilent comme à la parade d’un bordel fellinien monstrueux. Et devant ce tableau hilarant où la mort avance travestie, observant ces deux danseurs vacillant sur leur geta, pissant dru dans le bassin dans lequel ils agoniront, toutes différences sont définitivement abolies. Mais ont-elles jamais vraiment existé ces différences ? Tant de rhizomes souterrains, tant de fantômes communs hantent leur danse et semblent les lier l’un à l’autre…

 

© ADELAP

 

Gold Shower, conception et performance de François Chaignaud et Akaji Maro

Costumes Romain Brau, Cedrick Debeuf, Kyoko Domoto

Conception lumières Abigail Fowler

Régie son Caroline Mas

Traducteur japonais Mohamed Ghanem

Assistante auprès d’Akaji Maro Naomi Muku (Dairakudakan)

Collaborateur artistique auprès de François Chaignaud Beaudoin Woehl

 

 

Du 12 au 15 avril 2023

à 20h30 les mercredi et vendredi, 19h30 le jeudi, 17h le samedi

Théâtre de Chaillot

1 place du Trocadero

75008 Paris

 

réservations :  01 53 65 30 00

billeterie@theatre-chaillot.fr

 

Création vue le 30 septembre 2020 à la Maison de la Musique de Nanterre

 

 

 

 

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