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Giselle… Conception et mise en scène de François Grimaud, au Théâtre de la bastille / Festival d’Automne à Paris

Jan 07, 2023 | Commentaires fermés sur Giselle… Conception et mise en scène de François Grimaud, au Théâtre de la bastille / Festival d’Automne à Paris

© Dorothée Thébert Filliger
 

fff article de Denis sanglard

Si vous ignorez tout de Giselle, le sommet du ballet romantique, musique d’Adolphe Adam et livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges, chorégraphie de Coralli et, rendons à César ce qui lui appartient, Jules Perrot, ce dernier ayant conçu pour sa femme Carlotta Grisi (dont Théophile Gautier était fou amoureux) le rôle éponyme, courrez donc fissa au Théâtre de la Bastille. Que vous aimiez ou non ce ballet-pantomime, ou la danse classique en général, que les minauderies et affectations du genre vous horripile, ou que les pointes et entrechats vous transportent au plus haut point, on ne peut absolument pas rester indifférent devant la proposition culottée et sans tutu de François Gremaud, menée tambour battant et au pas de charge par l’épatante, époustouflante Samantha van Wissen, danseuse-comédienne en basket pour l’occasion, et qui vous embarque promptement dans un récit aussi savant et pédagogique que ludique, totalement hilarant, où Giselle -le ballet comme le personnage- est soumis à la question, disséqué avec jubilation, ironie joyeuse  et beaucoup d’amour sous la causticité. Qui aime bien châtie bien dit-on…

Samantha van Wissen raconte d’abord le contexte artistique, le romantisme comme un manifeste, résume l’histoire tragique, forcément tragique, en profite pour rappeler l’empreinte masculine sur la vision de la femme, parle de l’esthétique musicale et chorégraphique d’alors, pour enfin planter le décor, immuable depuis sa création, et au final interpréter à elle seule et à sa façon unique, oui, ce ballet crée en 1841, graal de toute danseuse classique. Mais si elle ne le danse pas vraiment, dit-elle, elle le « paraphrase » pour simplement en restituer l’idée, le geste parfois simplement dessiné de la main dans l’espace. Nuance importante. Plus dans l’esquisse du mouvement, son amorce, voire sa réinvention, ce qui importe là n’est pas tant la technique mais ce qu’elle doit dans son dépassement transmettre, la danse étant avant tout un langage, une pensée en mouvement qu’accompagne la musique.  Et c’est cette pensée devenue quelque peu obscure avec le temps, et pour les profanes ou rétifs surtout, que Samantha van Wissen éclaire brillamment, fougueusement même, avec beaucoup de facétie et de malice, voire de burlesque. Elle commente le livret autant qu’elle le critique, digresse, ajoute son gros grain de sel, invente d’insensés et drolatiques dialogues et sous-textes entre les personnages… Jamais pantomime sans doute ne fut ici aussi bavarde.  Résumé ainsi de façon lapidaire : « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Bismarck ! » Ca pour l’histoire. Et pour la danse : « c’est pas du sport non plus. »  Elle est Giselle, Albrecht, Hilarion, Myrtha, maman Berthe, même les arbres du décors, et bientôt tout le corps de ballet, toutes les Wilis à elle seule ! Il y a bientôt foule sur ce plateau vide, le théâtre de la bastille devient l’annexe de l’Opéra de Paris et du Théâtre Mariinsky réunis, avec pour tout orchestre un quatuor pour une partition revisitée par Luca Antignani.

Mais foin des mousselines et tutus, petites ailes collées dans le dos et collants moulants, que l’on ne s’y trompe pas, derrière l’humour acéré, c’est du sérieux ; Samantha van Wissen met à nu la mécanique subtile du ballet derrière la rude technicité, arabesques piquées pour elle et entrechats six pour lui, et ce que la contrainte demande de dépassement pour atteindre une vérité dans l’incarnation, preuve en est la scène de la folie de Giselle qui se doit de dépasser la technique pure pour l’émotion absolue. La passion pour ce ballet, car passion il y a sous le léger sarcasme, de Samantha van Wissen est très vite communicative. Oui, on finit par l’aimer cette pauvre Giselle, débarrassée ainsi de son vernis romantique. Et l’on ne s’étonne plus guère alors des trois points de suspension du titre, qui s’opposent aux trois points d’exclamation qui concluent le livret original, dans cet espace ainsi ouvert cette création devient un palimpseste, une œuvre originale se superposant à la première et qui n’appartient qu’à Samantha van Wissen.

 

© Dorothée Thébert Filliger

 

Giselle… conception et mise en scène de François Gremaud

Interprétation : Samantha van Wissen

Musique : Luca Antignani

Flûte : Héléna Macherel et Irène Poma (en alternance)

Violon : Anastasia Lindeberg et Lorentiù Stoian (en alternance)

Harpe : Tjasha Gafner et Antonella de Franco (en alternance)

Saxophone : Sara Zazo Romero

Texte : François Gremaud d’après Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de saint-Georges

Chorégraphie : Samantha van Wissen d’après Jean Coralli et Jules Perrot

Création son : Bart Aga

Assistante à la mise en scène : Wanda Bernasconi

Direction technique et création lumière : Stéphane Gattoni (Zinzoline)

 

Du 5 au 14 janvier à 20h, du 17 au 24 janvier à 21h

Relâche le dimanche et les lundis 9 et 16 janvier

 

Théâtre de la bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservations : 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

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