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ƒƒƒ article de Denis Sanglard
Moins connu que le Nô, le Kabuki ou le Kyogen, le Gagaku est le plus ancien des arts scéniques traditionnels du Japon et désigne la musique de cour impériale japonaise. L’origine remonte à l’époque Heian (794-1185). Influencés par les rites antiques asiatiques, via la Chine et la Corée, assimilés et transformés par le Japon, destinés aux cérémonies et rites officiels, musique sacrée et de cour, cet art est désormais inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco, les musiciens collectivement nommés en leur pays Trésor national Vivant. Au répertoire du Gagaku, danses, chants et pièces instrumentales. Le Kangen, musique instrumentale, le Bugaku musique accompagnée de danses, le Kayô, musique chantée. Pour le Bugaku une répartition se fait entre danse de la gauche, issue de la Chine, le Togaku, et danse de la droite d’origine coréenne, le Komagaku. Pour un occidental, même aguerri aux arts scéniques japonais, découvrir ce rituel unique et ancien, plus d’un millénaire, bouleverse par son extrême raffinement et sa radicalité. Richesse sonore et complexité rythmique d’une mélopée savante pour une danse d’une grande sobriété et d’une élégante difficulté qui nous échappe, nous occidentaux. Il faut abandonner nos œillères d’européens ethnocentrés pour s’ouvrir entièrement à ce rituel, cette cérémonie qui vous happe et ne vous lâche plus. Qu’importe si les katas immémoriaux et immuables qui composent la chorégraphie, répétitive, en boucle jusqu’à l’hypnose, nous soient un mystère. C’est d’une abstraction qui confine à la modernité. Et pourtant, paradoxalement, c’est une plongée vertigineuse aux sources même des origines de la danse. La présence des danseurs est foudroyante. Une présence magnétique, une énergie tenue, collective, une concentration qui donne à cette danse une impulsion particulière et unique. Ici le temps est comme dilaté, diffracté, distendu, suspendu à l’extrême par ces mouvements singuliers, comme retenus par une légère pesanteur qui n’enlève rien à leur grande fluidité, leur grâce infini. Où la pose d’un pied, le froissement d’un pas, la main levée, le hochement de la tête, le saut léger, se fait sans heurt, glissent sans effort, englobant bientôt l’espace tout entier qui danse et flotte à son tour. C’est la mesure et la tension maîtrisée qui dominent. Nous basculons dans un autre temps, une autre dimension, celui tout entier de la danse, immergés dans cette musique lancinante, prenante, qui participe à cette fascination et accompagne comme un chant narratif les danseurs. Phénix augurant les auspices d’un empereur (Manzairaku), prince à la beauté masqué (Ryô-ô), ou dragons joueurs (Nasori), quatuor, solo ou duo, pour chacune de ses partitions chaque mouvement, aussi infime soit-il , porte la métamorphose et l’action à son plus haut. Et toujours cette extrême concentration où les danseurs s’effacent, comme tout entier absorbés par leur danse, la musique à ne faire plus qu’un avec la partition et la chorégraphie, réalisant une parfaite osmose qui les rend de fait indissociables. Heureuse initiative de la Philharmonie qui, rendant hommage à Pierre Boulez, pour qui le Gagaku fut une découverte importante et une révélation et dont la musique en porta l’empreinte, et dans le cadre de la manifestation « Japonisme » d’inviter le Département de musique de la Maison impériale du Japon. La dernière fois qu’ils vinrent en France c’était il y a plus de quarante ans… et comme aujourd’hui pour deux représentations uniques.
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Gagaku impérial
Avec les musiciens et danseurs du Département de musique de la maison impériale du Japon
Le 3 septembre 2018
Cité de la musique-Philharmonie de Paris
221 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Réservation 01 44 84 44 84
contact@philharmoniedeparis.fr
Le 6 septembre 2018
Conservatoire de Strasbourg – Cité de la musique et de la danse
1 place Dauphine
67000 Strasbourg
Réservation 03 68 98 51 00
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