© Sammi Landweer

ƒƒ article de Marguerite Papazoglou

Tout est là, sur ce plateau sculpté par Lia Rodrigues, tout a toujours déjà été là, en strates. A l’image des matières informes qui jonchent le sol — et qui se feront tour à tour vêtements, draps, linceuls, armes, sceptres, cordes, croix, débris et grand bazar — les corps d’abord invisibles-informes deviennent des corps invisibles-non calculés, non défendables, défaits, naufragés se redressant dans des bâches de survie, pour qui l’habit ne se différencie guère de la nudité. On connaît l’histoire. Mais on n’en restera pas là car tout déjoue l’image d’Epinal en renvoyant la satisfaction d’avoir reconnu au constat de notre ignorance réductrice ! Et l’image de l’entraide est vite perdue car déjà se lève un roi porté par des esclaves, à moins que ce ne soit l’inverse, et un cadavre déshonoré ou bien une femme renversée qui cligne du sexe au ciel et des hommes qui dansent nus sous leur robe d’été.

Dans ce foutoir à neuf danseurs de genre et de couleur incertains où l’entropie semble donnée en spectacle, maquillée et parée de tous ses atours pour l’occasion, tout est millimétré, recréé, transmué dans cette matière radicalement, absolument fictionnelle à laquelle on reconnaît un rêve conscient, à moins que ce ne soit une hallucination. Car tout est à la fois familier et étrangement impur, la citation n’est jamais textuelle. Cette danse rituelle sur les percussions canaques qui projettent l’oreille dans une transe de soixante minutes, ce masque, ces pas ne sont traditionnels d’aucun pays.

Tout se transforme, constamment, partout, imperceptiblement. C’est une orgie d’images, pétrifiées et mouvantes, agglomérées sans soucis de logique, qui nous regardent fixement comme un reflet dans un miroir… C’est aussi l’image difractée d’une orgie, fureur amoureuse inextinguible, folie furieuse ou meurtrière, la fureur comme état qui a ceci de constant qu’elle se vit dans le corps à corps, corps sur corps et dans la pulsation. Une intensité où la vie et la mort elles-mêmes se renversent de rire entre un corps vibrant de toute sa force et un dos immobile, nu et déshumanisé, où l’on déplace et exhibe des cadavres avec et au milieu des vivants, bouches ouvertes dans des grimaces paroxystiques de plaisir atteignant la douleur. Cauchemar ou utopie on se plaît à vaciller, c’est indécidable, « rien n’est certain, donc tout est possible ». Que de vie(s).

Nous résonnons encore de tout cela lorsque nous lisons lors des saluts les panneaux « qui a tué Marielle Franco ? » ou « le Brésil pour tous », portés par les danseurs. Car dans le « délabrement démocratique et la précarité complète » dus à la situation au Brésil, la question du comment continuer à créer rejoint celle du pourquoi : Lia Rodrigues travaille au cœur de la favela lieu de toutes les tensions ; pas seulement à partir de l’impact que celle-ci peut avoir sur la création mais aussi à l’inverse en insérant l’utopie dans l’adversité. En donnant corps à Fúria elle affirme d’un même geste la nécessité de créer (la vie est une survie à inventer à chaque instant, c’est ce qu’apprend la favela) conjointe à celle de détruire, de salir, de digérer ce qui est là pour que le nouveau advienne, contre toute idée de pureté ou d’ordre : le mélange.

© Sammi Landweer

Fúria, chorégraphie de Lia Rodrigues

Assistée d’Amalia Lima

Dramaturgie Silvia Soter

Lumières Nicolas Boudier

Collaboration artistique et images Sammi Landweer

Régie générale Magali Foubert Evangelia Therianou

De et avec Clara Cavalcanti, Valentina Fittipaldi, Larissa Lima, Leonardo Nunes, Carolina Repetto, Andrey Silva, Karoll Silva, Felipe Vian, Ricardo Xavier

Du 30 au 7 décembre 2018 à 19h45

Chaillot-Théâtre national de la danse
1 Place du Trocadéro

75016 Paris

Réservation au 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

Tournée

Du 12 au 15 décembre 2018

Le CENTQUATRE-Paris
5 rue Curial

75019 Paris

Réservation : 01 53 35 50 00

billetterie.104.fr

www.104.fr

Les 15 et 16 janvier 2019

MC2 Grenoble

4 Rue Paul Claudel

38100 Grenoble

Réservation au 04 76 00 79 00

www.mc2grenoble.fr

Le 19 janvier 2019

VIADANSE Belfort-MA scène nationale-pays de Montbéliard, Belfort 

3 avenue de l’Espérance

90000 Belfort

Réservation : 03.84.58.67.67 ou 0805 710 700

www.magranit.org

Du 24 au 26 janvier 2019

Künstlerhaus Mousonturm (festival Frankfurter Positionen 2019)

4, Mousonturm Saal, Waldschmidtstr

60316 Frankfurt am Main

Francfort, Allemagne

Réservation et informations :

www.mousonturm.de/en/festivals/frankfurter-positionen-2019

Le 29 Janvier 2019

Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées

Centre Commercial Le Méridien 1er étage

Route de Pau

65420 Ibos

Réservation : 05 62 90 08 55

www.parvis.net

Les 31 janvier et 1^er février 2019

Théâtre Garonne scène européenne, avec La Place de la Danse – CDCN Toulouse / Occitanie, Festival Ici&là

1, avenue du Chateau d’eau

31300 Toulouse

Réservation : 05 62 48 54 77

www.theatregaronne.com

Le 5 février 2019

Les Salins – Scène nationale de Martigues

19 Quai Paul Doumer

13500 Martigues

Réservation : 04 42 49 02 00  ou : www.les-salins.net

Les 8 et 9 février 2019

Tanzhaus nrw Düsseldorf

Erkrather Str. 30

40233 Düsseldorf

Allemagne

Réservation : +49 211 172700

www.tanzhaus-nrw.de

Les 11 et 12 février 2019

Festival Antigel, Lignon (Genève)

51A Route du Bois-des-Frères

1219 Le Lignon

www.antigel.ch

Le 15 février 2019

Les Hivernales, CDCN d’Avignon

18 Rue Guillaume Puy

84000 Avignon

Réservation : 04 90 82 33 12

www.hivernales-avignon.com

Les 3 et 4 mai 2019

Festival DDD – Porto

www.festivalddd.com

Les 6 et 7 mai 2019

HAU Hebbel am Ufer

Stresemannstr. 29

10963 Berlin

Réservation : +49 (0)30.259004 -27

www.hebbel-am-ufer.de

Les 17 et 18 mai 2019

Fabrik Potsdam

Schiffbauergasse 10

D-14467 Potsdam

Allemagne

Réservation : +49 331 280 03 14

www.fabrikpotsdam.de

Les 20 et 21 mai 2019

Munich

Allemagne

Du 24 au 27 mai 2019

Kunsten Festival Des Arts

Bruxelles

Belgique

www.kfda.be

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