© Yann Boyenval
ƒƒƒ article de Hoël
Au centre du plateau, un homme est endormi, à même le sol. Sur le côté, en avant-scène, un autre est assis sur un tabouret. Enfin, trois personnages vêtus à identique semblent attendre derrière un établi recouvert d’un fatras d’objets divers, c’est ainsi que l’histoire commence…
L’homme au tabouret et au tweed marron claque des doigts et lance un « comme chaque lundi, Frantz était persuadé que ce lundi ressemblerait à tous les autres lundis… » Et nous voilà harponnés pour 1 h 10 d’un spectacle qui ne nous lâche plus, entre rire et émotions. Car, avouons-le, nous aussi, « nous étions persuadés que ce spectacle ressemblerait aux autres spectacles… » Et tout comme Frantz, nous allions découvrir qu’il en est tout autrement : pour lui, dont le quotidien va être bouleversé par l’annonce de la mort de son père, et pour nous, que la forme originale de ce spectacle étonne autant qu’elle impressionne.
Car pour raconter l’histoire de ce anti-héros, Frantz, égaré dans la banalité de son existence, seulement quelques phrases prises en charge par le narrateur, du mime pour évoquer les différents lieux que traverse Frantz, et surtout, trois « bruiteurs », qui viennent habiller l’histoire de voix, de sons concrets mais aussi viennent colorer les états d’âme de ce personnage en proie aux doutes et aux fantômes de son existence. Ces bruitages apparaissent aussi simples qu’inventifs : un sac plastique pour illustrer les vagues, une pompe à vélo pour l’essoufflement, et surtout – mention spéciale – des voix entre mots et grommellements pour évoquer les personnages qui tourbillonnent autour de Frantz. Le tout teinte l’histoire de poésie autant que d’un humour proche des dessins animés. L’imaginaire du spectateur est sans cesse chatouillé et c’est à nous de recréer l’univers quotidien de cet homme ordinaire…
Ce monologue pantomimique est réglé avec minutie par la mise en scène de Marc Granier. La complicité entre tous les comédiens apporte une émotion supplémentaire à cette horlogerie bien huilée. En effet, les regards que posent les bruiteurs sur leur partenaire relèvent aussi bien de la volonté technique d’être en synchronisation parfaite entre les gestes et les bruitages que d’une véritable empathie pour l’attachant Frantz. On assiste petit à petit à un minutieux et esthétique entrelacement des mouvements, des mots et des sons.
Dans cette fable initiatique, entre réalisme et onirisme, tous les ingrédients pour embarquer le public se mélangent, et on explore, au gré des sentiments de Frantz, toute une palette d’émotions. C’est la force du travail de la compagnie BPM de réussir à parler de la perte des êtres chers sans tomber dans le pathos, en oscillant entre la légèreté et la gravité de l’existence et nous incitant à changer de point de vue sur les choses et à « rester debout tant que les oiseaux voleront…». Une expérience théâtrale originale et touchante à découvrir à partir de 10 ans.
© Yann Boyenval
Frantz, de Marc Granier
Mise en scène de Marc Granier
Lumières Johannes Johnström
Avec Louis Kientz, Clara Lloret Parra, Chloé Louis, Paul Ménage, Samy Morri
Du 3 au 26 octobre 2021 à 19 h
Les dimanche, lundi et mardi
Durée 1 h 10
Théâtre des Déchargeurs
3 Rue des Déchargeurs
75001 Paris
Réservations : 01 42 36 00 50
www.lesdechargeurs.fr
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