À l'affiche, Critiques // Franchir la nuit, chorégraphie de Rachid Ouramdane, Théâtre national de Chaillot / Théâtre de la Ville hors les murs

Franchir la nuit, chorégraphie de Rachid Ouramdane, Théâtre national de Chaillot / Théâtre de la Ville hors les murs

Déc 18, 2018 | Commentaires fermés sur Franchir la nuit, chorégraphie de Rachid Ouramdane, Théâtre national de Chaillot / Théâtre de la Ville hors les murs

 

© Patrick Imbert

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Des mains qui se tendent et que nul ne saisit… Des bras qui enserrent le vide… Des appels auxquels ne répond que le silence. Des corps rejetés à la mer et qui se noient. Bientôt échoués. Face à cette catastrophe humanitaire, n’existe-t-il pas de terme plus odieux que celui de « délit de solidarité » ?! Rachid Ouramdane, chorégraphe délinquant, s’empare de la question des migrants, des réfugiés et la réponse est cinglante, percutante. Franchir la nuit est un plaidoyer contre l’intolérance, un appel à la solidarité possible et nécessaire, urgente. Sur un plateau immergé que battent en continu des vagues, flux et reflux dessinant un espace mouvant, c’est une traversée crépusculaire, entre chien et loup, d’enfants migrants, de mineurs non-accompagnés, de danseurs adultes. Images bouleversantes, danse empesée d’eau d’une apparente simplicité. Elian pour mémoire, on frissonne devant ces enfants qui pataugent. Devant cette innocence à jouer dans l’eau, battre les flots de ce qui bientôt sera leurs tombeaux. Pourtant Rachid Ouramdane évite toute putasserie, tout voyeurisme. C’est d’une pudeur, d’une infinie douceur, d’un formidable espoir. Rien pourtant qui ne soit évité. La mort, puisqu’elle rôde, puisque des corps sombrent, flottent, ne touche ici que les adultes. Il y a ceux qui la donne et ceux qu’elle emporte. Les corps s’enlacent avant de se déchirer devant l’exil, l’espoir d’une autre rive. Délit de solidarité donc. On craque devant cette chaîne humaine où adultes et enfants s’accrochent les uns aux autres dans une ronde fraternelle que rien ne semble pouvoir rompre, ni arrêter. Rachid Ouramdane ose des images pures, bêtes comme choux mais d’une puissance phénoménale, radicale, et qui se passent de commentaire. L’émotion est brute, brutale et vous fauche. Il y a ces enfants qui passent de bras en bras, un geste qui se répète ad aeternam alors même que les enfants ont disparu. Un geste mémoriel. L’acte de faire passer, de passer. Là est la résistance. Nous sommes tous des passeurs en puissance, voilà qui est dit. Osons. Mais ces bras qui se lèvent pour un appel au secours sont aussi les adieux de celui qui se noie devant la surdité affichée, l’aveuglement volontaire. Franchir la nuit est une tragédie, notre tragédie contemporaine. Et pourtant l’espoir est là, dans la parole recueillie par le chorégraphe, dans ces enfants en exil, survivants d’une traversée dramatique, qui ont témoignés et qui dansent sur quelques notes de piano et la voix de Déborah Lennie-Bisson leur espoir, leurs rêves.

 

© Patrick Imbert

 

Franchir la nuit conception et chorégraphie Rachid Ouramdane

En collaboration avec le vidéaste Mehdi Meddaci

Assistante à la chorégraphie Agalie Vandamne

Musique Deborah Lennie-Bisson

Construction décors Sylvain Giraudeau

Lumières Stéphane Graillot

Son Laurent Lechenault

Costumes Sigolène Petey et Sarah Chabrier

Ateliers d’écriture Fanny Vuaillat

 

Avec Annie Hanauer, Déborah Lennie-Bisson, Ruben sanchez, Leandro Villavicencio, Aure Wachter

Et la participation de 29 enfants de l’école Chaptal à Paris, de 12 mineurs non-accompagnés migrants, accueillis par Gaïa 94 du groupe SOS

 

Salle Jean Villar

Durée 1h

 

Du 15 au 21 décembre 2018

19h45 samedi 15 et jeudi 20 décembre 2018

20h30 mardi 18, mercredi 19 et vendredi 21 décembre 2018

 

Théâtre National de la Danse / Chaillot

1 place du Trocadéro

75116 Paris

Réservation 01 53 65 30 00

www.theatre-chaillot.fr

 

 

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