Critiques // « Fous dans la forêt – Shakespeare songs » à la Maison de la Poésie

« Fous dans la forêt – Shakespeare songs » à la Maison de la Poésie

Juin 09, 2011 | Aucun commentaire sur « Fous dans la forêt – Shakespeare songs » à la Maison de la Poésie

Critique de Bruno Deslot

L’écho de la forêt !

La folie croise l’amour… une jeune femme amoureuse et tourmentée divague avec un fou en exil ! Les digressions sont nombreuses, musicales, parlées, chantées, accompagnées par les notes d’une guitare faisant illusion, rappelant, avec un étonnant chromatisme, le luth pour lequel John Dowland (1563-1626) a consacré la plus grande partie de son œuvre.

Un réchaud à gaz, une casserole, un sac de voyage de style ancien, une théière et une tasse sont circonscrits à jardin délimitant l’espace où les trois Fous dans la forêt se croisent le temps d’un échange…enfin de plusieurs ! Plongés dans une semi-obscurité, celle de l’épaisseur ombreuse et fourragée d’une verdure improbable, celle, où la nuit tombée tout semble se transformer, s’approprier la part la plus intime de l’inconscient, la forêt met en lumière trois égarés sur l’estran de leur vie.

© F. Iovino

Deux comédiens-chanteurs (Cécile Garcia-Fogel, Thierry Peala) et un musicien (Pierrick Hardy), vêtus de noir, habilement pris dans les rets de leurs vies, évoquent Shakespeare avec un art de la métonymie assez surprenant. Le fameux Comme il vous plaira (As You Like it) de Maître William, révèle, une fois de plus les rivalités fraternelles d’une intrigue bien ficelée écrite peu avant Hamlet (1600-1601) et croisant le chemin de La Nuit des rois. Rosalinde et Olivia, accompagnées/ée de leur fou et/ou musicien se réfugient/e dans la forêt, lieu propice à la divagation, à la fuite des responsabilités du monde et de ses bouffonneries ! L’habillage musical ne peut être mieux choisi, les songs de John Dowland sont contemporains de l’œuvre de Shakespeare et plonge la proposition dans une ambiance élizabéthaine (deuxième moitié du XVIe siècle – début du XVIIe siècle). La dextérité de Pierrick Hardy fait vibrer les cordes de sa guitare et emmène le spectateur dans une réelle divagation tout particulièrement poétique, d’une délicatesse et d’une intelligence exceptionnelles. Dissimulé dans l’obscurité, il est partout, maîtrise ce don d’ubiquité par la parfaite maîtrise d’une œuvre musicale exprimant la mélancolie.

Les comédiens-chanteurs alternent les parties chantées et parlées mais sans réelle justesse de style. On sent qu’il manque un cruel parti pris de mise en scène pour cette proposition dans laquelle les comédiens errent sur le plateau mais sans autres justifications que celle de la divagation ! C’est un peu court. Quant aux bâches suspendues sur la scène comme du linge aux fenêtres, ruine l’esthétique du plateau. Les diapos projetées ou les peintures rupestres exposées en fond de scène posent la question de l’utilité d’un matériel aussi gênant sur le plateau et de leur légitimité dans cet abandon, cette quête inconsciente des peurs intérieures des personnages ! La suggestion ne se suffirait-elle pas à elle-même ?

Androgyne, élégant, précieux et à la fois insaisissable, Thierry Peala propose une interprétation confondante de cette juxtaposition de textes et songs. Il semble tout droit sorti de la Cour de la Reine Elisabeth. Il emmène les spectateurs dans une balade inquiétante et musicale à laquelle la guitare de Pierrick Hardy répond avec une belle complicité.

Un spectacle qui ne mérite pas la désertification mais s’élaguera en tournée.

Fous dans la forêt
Shakespeare songs

Conception : Cécile Garcia Fogel
Textes : William Shakespeare
Traductions : Jean-Michel Déprats, Robert Ellrodt
Musique originale et arrangements : Pierrick Hardy
Scénographie et costumes : Caroline Mexme
Lumière : Olivier Oudiou
Assistanat : Marc Chouppart
Avec : Cécile Garci Fogel, Thierry Peala, Pierrick Hardy

Du 9 juin au 3 juillet 2011

Maison de la Poésie
Passage Molière, 157 rue Saint-Martin, 75003 Paris
www.maisondelapoesieparis.com

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