© Martin Argyroglo
ƒƒ Article de Garance
Forme simple, s’interroge sur la genèse du mouvement dans le corps. Se rapprochant de la biomécanique (discipline explorant les propriétés mécaniques des organismes vivants), nous éprouvons, pour une soirée sensorielle, les écoulements, débordements, crispations de chaque muscle qui se tendent, se détendent ou se libèrent d’une quelconque intellectualisation au profit des sens. Ainsi le corps, réceptacle vide, accueille la révolte, l’émancipation de la jambe qui s’élève, du bras qui se désolidarise ou encore du faciès qui dissone avec le reste du corps.
La foi, la conviction en un mouvement brut, qui prend vie par sa seule volonté. Aucune interférence entre le geste, une écriture automatique fluide qui s’ébauche dans l’espace. Le théâtre (architecturalement parlant) s’efface et laisse place à cette boîte à musique géante dans laquelle nous pouvons étudier ses danseurs semblables aux petites ballerines automates d’un autre temps. Le public sert de témoins à cet étrange ballet cinétique, les regards permettent de désacraliser la danse, non pas comme simple objet chorégraphique mais de la placer comme outil sensible et créatif, voire pulsionnel. Les mouvements saccadés, déployés maladroitement, nous rappellent l’expérience de l’école du Bauhaus lors du Ballet Triadique d’Oskar Schlemmer et Hannes Winkler. Une expérience de danse soumise à l’Art Brut, le corps comme outil primitif et instinctif au service d’un mouvement libéré de toutes contraintes esthétiques. Les déplacements, d’abord asservis au rythme du clavecin, se décalent graduellement de l’harmonie et de la cohésion mélodieuse, s’exposant au risque de devoir assumer seuls leurs présences, sans support. En effet Loïc Touzé a la conviction que la plénitude du geste dans la danse est altérée par la puissance imaginative de la musique qui détourne la concentration. La dimension d’équité est donc déséquilibrée. C’est pourquoi le clavecin et les danseurs se laissent respectivement l’espace de se prononcer sans empiéter sur la présence d’autrui. Les corps s’autorisent à vivre sans musique et inversement. Mais ce qui relie ces deux entités c’est le vide. L’interstice dans lequel les choses peuvent prendre de l’ampleur et évoluer.
À la manière d’un livre en pop-up les images chorégraphiques, par l’arythmie, s’offrent aux spectateurs comme de petites phrases tantôt chuchotées, tantôt hurlées. Les postures sont empruntées à un imaginaire culturel très vaste, passant de positions de danse classique, de gymnastique ou à des gestes semblables au Butô. Cela nous renvoie à une dimension obscure, inintelligible : comment les corps à travers l’histoire ont été empeignés de la même conviction et du même besoin d’expression (sous des formes variées). L’un des dénominateurs communs étant le corps comme langage. Nous en sommes sûrs, le corps doit s’essayer à tous les types de communication possibles et ainsi détruire l’échelonnement du langage verbal comme supérieur à tous autres types d’expression.
© Martin Argyroglo
Forme Simple, spectacle de Loïc Touzé
Avec Madeleine Fournier, David Marques, Blandine Rannou et Teresa Silva
Conception et chorégraphie Loïc Touzé
Lumière et régie générale Pierre Bouglé
Scénographie Miranda Kaplan
Musique Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach
Clavecin Blandine Rannou
Costumes Valentine Solé
Construction décor Atelier de la Comédie de Saint Étienne
Régisseur Bastille Bruno Moinard
Du 18 au 23 novembre 2019 à 19 h 30
Relâche le jeudi 21 novembre, où vous pourrez découvrir Je suis lent conférence performée de Loïc Touzé.
Durée 1 h
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris
Réservation 01 43 57 42 14
comment closed