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Forever, de Boris Charmatz, d’après Café Müller de Pina Bausch, La Fabrica, Festival Avignon In

Juil 16, 2024 | Commentaires fermés sur Forever, de Boris Charmatz, d’après Café Müller de Pina Bausch, La Fabrica, Festival Avignon In

 

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Le nouveau directeur artistique du Tanztheater Wuppertal, Boris Charmatz, inaugure, en cette 78ème édition du Festival d’Avignon, la complicité souhaitée par Tiago Rodrigues avec un artiste chaque année. En tant qu’artiste complice, le chorégraphe avait pour mission d’être présent sur plusieurs lieux, dates et manifestations sur toute la durée du Festival.

Il a commencé par Cercles, en ouverture, un atelier conçu avec 180 amateurs d’Avignon et 20 danseurs professionnels de Wuppertal, puis Liberté Cathédrale, déjà vu par Un Fauteuil pour l’orchestre, au Châtelet en avril dernier (après avoir été créé dans l’étonnante cathédrale de style brutaliste de Neviges) qui a pris encore une autre dimension dans le stade de Bagatelle de l’autre côté de l’île de la Barthelasse. Les courses poursuites sur l’herbe fraîche, dans un dispositif toujours à 360 degrés pour les spectateurs assis dans un grand cercle, a produit le même effet de communion et d’étourdissement que dans les lieux précités.

Forever est la dernière proposition, pour cette 78ème édition du Festival, de Boris Charmatz. Un travail présenté à La Fabrica autour de l’œuvre emblématique de Pina Bausch : Café Muller. Le projet est venu au de la sensation ressentie lors de répétitions de la pièce et de la difficulté à choisir de nouveaux interprètes apprenant pour la première fois la pièce. A surgi alors cette idée géniale de proposer au public avignonnais un rapport différent à l’œuvre que celui éprouvé dans les salles classiques (comme l’année dernière à la Grande Halle de la Villette, mais également à la Cour du Palais des papes à Avignon, où l’œuvre avait été représentée en 1995 avec Le Sacre du Printemps) ; des angles de vue inhabituels, que ce soit dans la proximité rarement possible avec les interprètes comme dans un studio, ou au contraire en surplomb d’eux depuis les coursives du théâtre. Et c’est absolument magique. Une sensation de liberté unique. La proposition permettant de n’assister qu’à une seule représentation ou à la totalité, c’est-à-dire sept heures au total, réunissant des danseurs actuels de la compagnie, mais aussi les légendaires Nazareth Panadero et Héléna Pikon ou encore Julien Ferranti et Scott Jennings, dans quatre distributions différentes, passe comme un rêve.

Sur Café Müller que dire de nouveau ? L’excellence des danseurs (en dépit de l’absence de Pina Bausch, de Malou Airaudo ou Dominique Mercy) et l’émotion des spectateurs sont toujours intacts. Le « When I am Laid in Earth » de Didon et Énée nous perce toujours au cœur tandis que les danseurs et danseuses naviguent parmi les chaises, les yeux fermés. La répétition qui semble sans fin produit comme un étourdissement et étonnamment une envie que ça ne s’arrête (vraiment) jamais ; la sensation paradoxale de redécouvrir encore des choses nouvelles, que nous n’avions pas vues avant, et en même temps que la chorégraphie se grave corporellement. Les quelques silences et éclairages renforcent l’impression d’immersion et d’ovni spatio-temporel. A chaque recommencement, si on se place à un endroit autre de la salle, on perçoit différemment un port de bras, on a l’impression de ressentir physiquement les pulsations contre le mur à chaque nouvel impact, les frissons de la sueur à chaque déshabillement et glissement sur la table, à chaque enlacement avant l’effondrement au sol. On se prend aussi à (inconsidérément et inutilement) comparer les danseurs de chaque série et à vibrer intensément avec certains d’entre eux comme Dean Biosca bouleversant dans le rôle du « pousseur de chaises ». Et à la quatrième série on pourrait presque avoir l’outrecuidance de penser qu’on serait capable de le danser le lendemain. Mais comme le dit Nazareth lors d’un interlude, tous les pas chez Pina « ça n’a l’air de rien », mais les réaliser est bien autre chose. Ce que l’on savait déjà pertinemment.

Ces interludes sont constitués de textes d’une grande intelligence qu’ils soient d’auteurs (notamment « Rappel à Tordre de l’Amour » d’Hervé Guibert dit par Audrey Bonnet, qui était paru au Monde le 28 janvier 1982) marqués par l’œuvre de Pina, ou de danseurs de sa compagnie qui parlent de son travail et également de nous, nous les humains, de nos « déraillements », de notre « gymnastique du cœur ». En effet « ce n’est pas Pina Bausch qui nous blessent le cœur, il était déjà blessé, seulement cette blessure était tombée dans l’oubli, on s’était employé à nous la faire oublier… ».

« Se mouvoir, se sentir, se toucher », les yeux fermés,  forever indeed…

 

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

 

Forever, d’après Café Müller de Pina Bausch

Conception : Boris Charmatz

Mise en scène et chorégraphie : Pina Bausch

Collaboration artistique : Magali Caillet Gajan

Lumière : Yves Godin

Vestiaire de travail : Florence Samain

Direction des répétitions de Café Müller : Barbara Kaufmann, Héléna Pikon

Scénographie et costumes : Rolf Borzik

Musique : Henry Purcell

Droits de représentation : Verlag der Autoren Francfort-sur-le-Main, représentant la Pina Bausch Foundation

Direction technique : Jörg Ramershoven

Régie plateau : Dietrich Röder, Martin Winterscheidt

Régie lumière : Robin Diehl, Yves Godin

Régie son : Andreas Eisenschneider, Karsten Fischer

Régie de scène : Andreas Deutz

Coordination costumes : Anke Wadsworth

Habillage : Katherina Fröhlich, Renatus Matuschowitz

Physiothérapeute : Bernd Marszan

 

Avec :  

L’Ensemble du Tanztheater Wuppertal : Dean Biosca, Naomi Brito, Emily Castelli, Boris Charmatz, Maria Giovanna Delle Donne, Taylor Drury, Çağdaş Ermiş, Letizia Galloni, Lucieny Kaabral, Simon Le Borgne, Reginald Lefebvre, Alexander López Guerra, Nicholas Losada, Blanca Noguerol Ramírez, Milan Nowoitnick Kampfer, Azusa Seyama-Prioville, Michael Strecker, Christopher Tandy, Tsai-Wei Tien, Frank Willens, Tsai-Chin Yu

Et les invitées et invités : Julien Ferranti, Scott Jennings, Nazareth Panadero, Héléna Pikon, Jean Laurent Sasportes

 

Durée totale : 7h (conseillée : 2h)

Jusqu’au 21 juillet 2024

13h, 15h, 16h45 ou 18h

 

La Fabrica

11 rue Paul Achard

84000 Avignon

 

www.festival-avignon.com

 

 

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