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« Fin de l’histoire », d’après Witold Gombrowicz, mise en scène de Christophe Honoré

Nov 06, 2015 | Commentaires fermés sur « Fin de l’histoire », d’après Witold Gombrowicz, mise en scène de Christophe Honoré

article de Florent Mirandole

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© Jean-Louis Fernandez

Le soir sur le quai d’une gare polonaise, le jeune Witold Gombrowicz attend son train en compagnie de sa famille. Contrainte finalement d’attendre le train jusqu’au petit matin, la famille va passer cette dernière nuit ensemble. Progressivement les démons qui vont bientôt envahir l’Europe vont se réveiller à la faveur de l’obscurité. Nous sommes en 1939 et l’Europe est sur le point de s’autodétruire.

« Fin de l’histoire », tiré d’un manuscrit inachevé de l’écrivain polonais, s’ouvre sur le départ du personnage principal, comme pour souligner la profonde originalité de l’auteur. Avançant à rebours de son temps, l’écrivain se méfie autant qu’il fuit la montée des grandes idéologies, renvoyant dos à dos nationalisme et communisme. Gombrowicz s’affirme déjà comme un homme qui n’est pas de son temps.

 C’est manifestement ce pas de coté avec l’histoire qui a intéressé Christophe Honoré. Se saisissant du scepticisme profond de l’auteur polonais, le metteur en scène a imaginé un spectacle ambitieux, dont le fil conducteur serait le sens de l’histoire. Très vite le spectacle malheureusement s’enlise, plombé autant par l’ambition de son metteur en scène que par ses maladresses. Les premiers pas des personnages laissent pourtant espérer beaucoup mieux. Les échanges de la famille contrainte d’attendre à la gare s’avèrent particulièrement convaincants, entre répliques atrabileuses et réflexions politiques de mauvais augure. Ainsi la tirade antisémite doucereuse du père provoque un premier malaise glaçant, et l’on attend la suite avec impatience.

Prenant à contre-pied le spectateur, « Fin de l’histoire » se mue alors en un exercice de décoction philosophique aussi fumeux qu’étouffant. En rang devant le public, affublés d’écriteaux portant le nom d’un philosophe, les comédiens se lancent chacun à tour de rôle dans un discours sur le sens de l’histoire. Christophe Honoré a manifestement pris du plaisir à se plonger dans la dialectique de Hegel ou dans la controverse Fukuyama/Derrida. Le spectateur pourrait partager ce plaisir s’il n’avait pas l’impression d’assister à la lecture de fiches Wikipédia.

A peine remis des commentaires d’Alexandre Kojèv sur la dialectique Hégélienne, nous basculons alors dans un remake burlesque et délirant de la réunion de Munich de 1938. Staline, Hitler ou encore Daladier se retrouvent en tête à tête à pousser la chansonnette au milieu de diverses bouteilles. On rit parfois à gorge déployée, notamment devant les efforts déments de Marlène Saldana pour enflammer la scène. Mais cela fait longtemps que l’on ne comprend plus le sens de cette pièce. Le jeune Witold, incarné par le fade Erwan Ha Kyoon Larcher, erre alors au milieu de la scène au milieu des grivoiseries de Staline et des roucoulades sirupeuses de Mussolini. En prime, Christophe Honoré enrobe sa pièce d’une mise en scène pataude, confiant finalement au sens de l’improvisation de ses comédiens la seule chance de faire exister un tant soit peu les personnages.

Il est difficile d’identifier précisément à quel moment on perd le file de l’histoire racontée ici par Christophe Honoré, mais il se situe probablement entre la leçon de danse jubilatoire de Marlène Saldana et la reprise gênante de Bohemian Rhapsody par la troupe. « Fin de l’historie » se révèle au final une juxtaposition de tableaux parfois délirants mais trop souvent ratés.

Fin de l’histoire
Texte d’après Witold Gombrowicz
Mise en scène Christophe Honoré
Scénographie Alban Ho Van
Lumière Kelig Le Bars
Création costumes Marie La Rocca
Conception et fabrication des masques Fanny Gautreau
Dramaturgie et assistanat à la mise en scène Sébastien Lévy

Avec Jean‑Charles Clichet, Sébastien Éveno, Julien Honoré,
Erwan Ha Kyoon Larcher, Élise Lhomeau, Annie Mercier, Mathieu Saccucci, Marlène Saldana

Du 3 au 28 novembre 2015
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

Théâtre National de la Colline
15, Rue Malte Brun – 75020 Paris
Métro Gambetta
Réservation 01 44 62 52 52
www.colline.fr

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