À l'affiche, Agenda, Critiques, Evènements // Fidelio, Singspiel en deux actes de Ludwig van Beethoven, livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treischke, direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène de Cyril Teste, à l’Opéra Comique

Fidelio, Singspiel en deux actes de Ludwig van Beethoven, livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treischke, direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène de Cyril Teste, à l’Opéra Comique

Sep 29, 2021 | Commentaires fermés sur Fidelio, Singspiel en deux actes de Ludwig van Beethoven, livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treischke, direction musicale Raphaël Pichon, mise en scène de Cyril Teste, à l’Opéra Comique

 

© Stefan Brion

 

ƒƒ article de Denis Sanglard

Fidelio, dans sa version définitive de 1814, de Ludwig Van Beethoven, est donné à l’Opéra Comique. Dirigé par Raphaël Pichon et mis en scène par Cyril Teste, retrouve par le premier toute la richesse de ses nuances et par le second son orientation politique, un hymne à la liberté…

L’opposant politique Florestan est mis au secret dans la prison dirigée par le gouverneur Pizarro qui a juré sa perte. Leonore pour sauver son mari se fait engager comme gardien sous le nom de Fidelio. Une inspection du ministre Fernando précipite la volonté d’éliminer physiquement Florestan. Pizarro charge Rocco, le gardien chef, de préparer l’exécution. Fidelio convainc Rocco de l’aider dans cette besogne espérant approcher son mari. Dans sa cellule Florestan est au désespoir et s’en remet à Dieu. Fidelio reconnaît son époux. Et menace d’une arme Pizarro venu le poignarder. Le gouverneur rappelé à ses fonctions pour accueillir le ministre laisse le couple. Les cellules sont ouvertes sur ordre de Fernando : ce dernier découvre la forfaiture de Pizarro, ordonne la libération de Florestan et condamne le gouverneur.

Dépouillée jusqu’à l’os, austère, ligne claire et fluide, la mise en scène de Cyril Teste est une réussite qui ne s’embarrasse pas des clichés opératiques ni de postures. L’utilisation de la vidéo, outil privilégié et toujours cohérent chez lui, est ici au service d’un univers carcéral sous vidéosurveillance constante qui traque chacun. Le plateau est nu, une agora centrale, un gymnase entouré de cellules, mais rien n’échappe au hors champs, de sa violence, des tortures, au regard des gardiens et des spectateurs. Et cet outil d’oppression se retournera au dénouement contre l’oppresseur. C’est avec une caméra, devenue une arme et qui révèle la forfaiture, que Leonore menace et dénonce Pizarro. Car Cyril Teste, au long de cet opéra, privilégie particulièrement le regard de Fidelio, gros plan sur son visage et l’acuité de son regard, et de ce qu’il révèle de la vérité de cet univers, de ce qui l’en est vraiment dans cette prison, où règne l’arbitraire le plus absolu. L’image, outil de pouvoir mais aussi de résistance contre la corruption, ce n’est sans doute pas ce à quoi pensait Beethoven. Mais demeure et résiste ici la question centrale de cette œuvre, la lutte pour la liberté et la justice, que représente le combat de Florestan et de Leonore/Fidelio, et c’est bien à cela que se réfère aussi Cyril Teste, au dessein de Beethoven. En dépouillant l’opéra de son contexte géographique et temporel, lui donnant ainsi une portée universelle mais réaliste, voire universaliste, Cyril Teste, comme il l’affirme, fait de cette prison « une métaphore du monde » et comme Beethoven avec la musique fait acte de transmission. En ce sens cette mise en scène ne trahit pas l’unique opéra du compositeur, n’est pas dissociée de la composition musicale dans ce qu’elle véhicule d’engagement politique. Entre la musique et la mise en scène, des deux côtés, aucune subordination mais un équilibre réussi. Cyril Teste avec raison se la joue modeste ici, rien de spectaculaire donc. L’utilisation à l’opéra de la vidéo a aussi son revers ; elle demande aux chanteurs un jeu moins opératique, plus réaliste, une composition des personnages moins abstraites. Dirigés au cordeau, les chanteurs oublient les conventions de leur rôle pour offrir une palette plus subtile et large. Preuve en est ici où Siobhan Stagg (Fidelio) dont c’était la prise de rôle, souffrante n’a pu assurer la partition. Assurant néanmoins le rôle scéniquement, tandis que chantait depuis la fosse Katherine Broderick, la qualité de son jeu ne pouvait être prise en défaut, mis à nu en cela par l’usage de la vidéo. Une direction d’acteur qui n’oblitérait cependant pas le chant. Cyril Teste n’hésitant pas aussi à jouer volontairement de la frontalité, comme un arrêt sur image, pour laisser au chant sa part naturelle et son épanouissement.

A la baguette Raphaël Pichon restitue toute la nuance de cette partition bien plus subtile qu’on ne le pense. Les clichés sur la musique de Beethoven ont la vie dure. Instruments d’époque et orchestre resserré évitent ainsi d’écraser la partition et d’en restituer toutes les nuances, la tension progressive qui monte au long de ses deux actes resserrés et pour se faire sans entracte. On a tendance à l’oublier mais cet opéra est un singspiel − équivalent allemand de l’opéra-comique français − qui privilégie aussi la part théâtrale. Là encore le jeu des chanteurs ne fait pas défaut – les dialogues parlés pourraient trahir une insuffisance ce qui n’est pas le cas − qui même dans leur chant, on soulignera la cohésion vocale de l’ensemble, restitue le caractère de leur personnage sans clichés afférents. A ce titre le ténor Michael Spyres, Florestan, allie à une puissance vocale certaine, beauté et expressivité d’une voix unique et chaleureuse, une sensibilité remarquable et donne à son personnage une humanité blessée. Les basses Albert Dohmen (Rocco) et Gabor Bretz (Pizarro) ont une belle tenue vocale, voix profonde et chaude, tiennent leur rôle avec conviction. Au premier la bienveillance, au second la traîtrise et la duplicité. Mari Eriksmoen, soprano à la voix claire, est une Marcelline plus que convaincante face au ténor Linard Vrielink, Jaquino l’amoureux éconduit qui lui non plus ne démérite pas. Et il faut souligner la prestation remarquable depuis la fosse d’orchestre de la soprano Katherine Broderick remplaçant au pied levé Siobhan Stagg. Une Leonore/Fidelio impeccable vocalement, d’une grande clarté, lumineuse, aux vocalises aisées. Une distribution sans faille donc à laquelle il faut ajouter le chœur Pygmalion, secondé par la maîtrise de l’Opéra-Comique, toujours plus que talentueux et dont l’expressivité et la musicalité dans l’oratorio final, préfiguration du dernier mouvement de la neuvième symphonie, a laissé le public pantois…

 

 

© Stefan Brion

 

Fidelio de Ludwig van Beethoven

Livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke

Direction musicale Raphaël Pichon

Mise en scène Cyril Teste

Décors Valérie Grall

Costumes Marie La Rocca

Dramaturgie Leila Adham

Lumières Julien Boizard

Conception vidéo Mehdi Toutain-Lopez

Cadreur opérateur Nicolas Doremus

Conception son Thibault Lamy

Assistant musical Nicolas Ellis

Assistante à la mise en scène Céline Gaudier

Assistante décors Alissia Blanchard

Assistantes costumes Peggy Sturm

Chef de chant Michalis Bollakis

 

Avec Siobhan Stagg, Michael Spyres, Mari Eriksmoen, Albert Dohmen, Gabor Bretz, Christian Immler, Linard Vrieling, Constantin Goubet, René Ramos Premier

Et Morgan Lloyd Sicard, Vincent Steinebach

La maîtrise de l’Opéra-Comique

Chœur et orchestre Pygmalion

 

25, 27, 29 septembre 2021

1er et 3 octobre 2021

A 20 h

Durée 2 h (sans entracte) – Salle Favart

 

 

Opéra Comique

1 place Boieldieu

72002 Paris

Réservation 01 70 23 01 31

www.opera-comique.com

 

 

Be Sociable, Share!

comment closed