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Fantasie minor, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira, à l’Espace 1789 – Saint-Ouen dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Mai 23, 2023 | Commentaires fermés sur Fantasie minor, chorégraphie de Marco da Silva Ferreira, à l’Espace 1789 – Saint-Ouen dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

 © Martin Argyroglo

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

La fantaisie est l’art de surprendre, elle est un don, une ouverture, elle est gratuite. Elle brise les catégories, déchire les attendus. Elle est le remède absolu à tout refroidissement académique. Elle prend le contre-pied de la marche forcée, elle prend à bras le corps les préjugés et leur tord le cou. Elle est éternelle jeunesse. Tout cela et bien plus pourrait être dit au sujet de Fantasie minor de Marco da Silva Ferreira. Combien ce qui a lieu, superbement, échappe aux refrains habituels, aux regards biaisés ou blasés, au système de castes qui classe tacitement les danses en fonction de leur origine et organise leur réception avec une bienveillante condescendance lorsqu’il s’agit de « danses urbaines » … on se dit d’ailleurs, que c’est bien étrange cette appellation de « danses urbaines », comme une fable ratée de rat de ville et rat des champs…

La proposition de Marco da Silva Ferreira, portée haut la main par Anka Postic et Chloé Robidoux, s’empare donc de la « Fantasie in F minor » de Franz Schubert. Elle n’est absolument pas la superposition d’une danse stigmatisée et réduite à certaines performances physiques et d’une musique « savante », elle est bien plutôt pure invention, pour reprendre un autre terme usité dans le champ de la composition musicale. L’inventivité est la source première de la fantaisie, elle est aussi la stratégie instinctive des transfuges de classe (si l’on veut poursuivre la lecture sociologique) pour pallier à la méconnaissance des codes régissant le milieu que l’on souhaite investir. Fantasie minor rayonne de cette intelligence, imposant son chemin de gestes, comme on trace sa route avec une belle et lumineuse assurance. La chorégraphie prend le parti pris d’une littéralité féconde : nos deux danseurs sont au bord d’un rectangle-estrade, ils viennent de la marge, ils en jouent, comme d’un coin où rebondir, prendre son élan. Leur possession de la scène se fera comme un saut dans le vide. Ils n’ont peur de rien, privilège de l’âge, atterrissant soudainement sur cette terre soulevée par les notes joueuses, presque frimeuses, toujours amies, de Frantz Schubert. Habillés tous deux de bermuda et de chemisette d’une blanche transparence, amples, leur tenue comme la danse qu’ils mènent est dégenrée, d’une folle liberté, laissant apparaître autant des silhouettes tyroliennes que la jeunesse la plus branchée, bras dessus bras dessous. La musique de Schubert est jouissance du rebond, comme une chevauchée sans fin : leur danse détourne alors le plié classique, qui se fait trot stylé. Marco da Silva Ferreira empruntera encore au vocabulaire classique dans le même registre décalé quelques pointes pataudes réalisées par de grosses chaussures noires. Le duo est probablement la forme la plus stéréotypée en danse : qu’à cela ne tienne, Marco da Silva Ferreira réussit le tour de force de le réinventer complètement, au plus près de la musique interprétée elle-même par quatre mains sans que jamais l’on ne s’interroge sur le genre de la main gauche et de la main droite.

La beauté et la singularité de Fantasie minor naissent de cette façon immédiate, sans apprêt, d’une grande transparence et toujours lisible quand bien même elle jouerait des codes du classique ou des danses urbaines. Cette danse est épurée, désaffectée, pleinement geste, laissant le champ libre aux évocations qu’elle pourrait effleurer. Par son affranchissement des règles, par son amour de la musique, par la grâce de ses interprètes, par son irréductible jeunesse, elle est enfin ludique comme devrait être toute danse qui s’empare des corps, avec l’évidence d’un croc-en-jambe ou d’un saute-mouton.

 

© Martin Argyroglo

 

Fantasie minor, conception et chorégraphie de Marco da Silva Ferreira

 

Avec Anka Postic, Chloé Robidoux

Création sonore : Rui Lima et Sérgio Martins, d’après Fantasie in F minor de Franz Schubert

Pianistes : Lígia Madeira et Luís Duarte

Enregistrement et mixage : Suse Ribeiro

Création lumières : Marco da Silva Ferreira, en collaboration avec Florent Beauruelle et Valentin Pasquet

Costumes : Aleksandar Protic

Assistanat chorégraphique : Elsa Dumontel

Régie : Florent Beauruelle ou Valentin Pasquet

 

Durée : 30 minutes

 

Le mardi 16 mai 2023 à 20h

 

Espace 1789

2/4 rue Alexandre Bachelet

93400 Saint-Ouen

Tél : 01 40 11 70 72

https://www.espace-1789.com

 

Dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 

 

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