À l'affiche, Critiques // « Et même si je me perds »… De Shiro Maeda à la Maison de La Culture du Japon

« Et même si je me perds »… De Shiro Maeda à la Maison de La Culture du Japon

Nov 29, 2014 | Commentaires fermés sur « Et même si je me perds »… De Shiro Maeda à la Maison de La Culture du Japon

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

arton1222-74381© Maison de la culture du Japon à Paris, 2014

Là où est le rêve commence le théâtre… Et même si je me perds est une plongée dans l’inconscient de Michiru Suzuki, jeune fille de Tokyo quelque peu perdue, désorientée. Une vie trop lisse, ordinaire, où semble manquer quelque chose, angoisse de l’avenir et regret du passé, perte de repères, cèdent la place au rêve les yeux grands ouverts. Michiru rêve et s’invente une sœur, rencontre son enfant qui n’est pas encore né. Revoit ses amants. Ses parents. Elle réinvente son histoire et c’est un merveilleux rébus onirique où l’on saute du coq à l’âne comme on joue à saute-mouton. C’est un enchaînement cocasse d’images, un joyeux marabout-bout de ficelle, un conte surréaliste pour jeunes filles perdues dans un monde trop grand pour elles. Shiro Maeda multiplie les images avec une économie de moyen, un minimalisme extraordinaire où avec trois fois rien – quelques chaises, un lit, une corde – se déploie tout un monde étrange où vogue l’inconscient confus de Michiru. C’est d’une poésie surprenante. Shiro Maeda procède par glissement feutré, furtif et décale les situations qui s’enchainent avec le plus grand naturel sans que nous y prenions garde. La mère est une géante qui « accouche » de son mari. Le père devient l’amant. L’amant et le père l’enfant pas encore né… Une carie dentaire, et c’est une des scènes les plus hilarantes – et quelque peu inquiétantes -, entraîne l’exploration du vagin de Michiru et la disparition du gynécologue… Il y a quelque chose de fortement psychanalytique, rien en soi n’est absurde, mais Shiro Maeda ne cherche aucunement à commenter, expliquer. Comme dans tous rêves, les images filent ainsi avec le plus grand naturel. L’imagination galope devant l’économie de moyens et l’absence heureuse de commentaires inutiles. Il y a beaucoup d’humour empreint de mélancolie, un peu de gravité parfois, mais l’ensemble est léger, comme en apesanteur. C’est une traversée étonnante à laquelle nous sommes conviés. Il faut accepter de se perdre sans jamais s’étonner comme se perd Michiru qui jamais ne s’étonne. Brillant portrait de femme et portrait d’une génération de japonais, c’est une création sensible et délicate qui nous ouvre tout à la fois sur un imaginaire particulier, que nous fantasmons trop souvent, et une réalité ignorée.

Et même si je me perds…
Texte et mise en scène de Shiro Maeda
Avec Asuka Goto, Saho Ito, Yuri Ogino, Takeshi Oyama et Shiro Maeda

Maison de la Culture du Japon à Paris
101bis, quai Branly
75015 Paris
Du 21 au 22 novembre 2014 à 20h
Réservations 01 44 37 95 95
www.mcjp.fr

Be Sociable, Share!

comment closed