© Anne Laure Lechat
ƒƒƒ article de Sylvie Boursier
La timidité des uns, l’aplomb des autres, les pudeurs et la liberté qui s’affranchit des convenances, Ahmed Madani compose un chœur d’une grâce infinie, sept jeunes comédiens issus de l’École des Teinturiers en Suisse. On ne devient pas comédien pour ressembler à Isabelle Adjani ou Gérard Depardieu, pourquoi embrasser une voie dite sans issue ? Être vu, être aimé ? On sent bien en écoutant Come, Jeanne, Dolo, Rita, Igaëlle, Aurélien et Lisa que l’essentiel est ailleurs.
« Ce matin nous nous sommes levés en sachant, que nous allions nous retrouver devant vous ce soir, nous nous sommes préparés à cette rencontre, nous avons repassé nos costumes, nous nous sommes échauffés, nous avons répété nos chants nos danses, nous avons relu nos textes ». Entrez les artistes ! Nous sommes là, prêts à vous rencontrer. Être spectateur c’est inventer du temps ensemble. Le théâtre est passé de l’un à l’autre, de corps en corps et de voix en voix. Ils ne font plus qu’un.
Merci à Ahmed Madani pour le soin apporté aux parties chorégraphiées et chantées parfaitement fondues enchaînées avec les récits entrelacés. La catharsis les relie aux blessures assassines de l’enfance, aux chansons douces ou pas, aux drôles de drames, « J’ai assez de larmes en moi pour faire rire la terre entière » dit Rita. Si différents qu’ils soient, ils n’échangeraient leur place pour rien au monde. À juste titre, ils ont l’énergie, la présence, le talent et plus important encore cette petite musique de clown, d’oiseau de nuit, de Cyrano. Qu’il joue Scapin ou Hamlet, le comédien connaîtra toujours l’angoisse et la joie dont parlait si bien Philippe Avron : « J’ai une couronne sur la tête, un sceptre, un habit d’or. Je me redis mon texte. J’ai peur. Je fais un pas. Je suis roi ».
Quel est ce besoin impérieux qui nous pousse, saison après saison, à aller au théâtre, pour certains à accumuler des « papiers » divers et variés dans un domaine dont la nécessité sociale s’avère de plus en plus aléatoire, puisqu’après tout avec les réseaux sociaux, le replay… Je n’ai pas la réponse, eux non plus et c’est probablement ce qui nous unit, « cette volonté de prolonger la nuit, ce désir fou de vivre une autre vie, ce rêve en nous avec ses mots à lui » chantait Johnny qui savait de quoi il parlait. La trace qu’ils ont laissée en moi ne s’effacera pas. Merci les artistes, courez les voir !
© Anne Laure Lechat
Entrée des artistes, texte d’Ahmed Madani, édité chez Actes Sud
Mise en scène : Ahmed Madani
Lumières : Damien Klein
Son : Christophe Séchet
Avec : Dolo Andaloro, Aurélien Batondor, Jeanne Matthey, Rita Moreira, Côme Weber, Igaêlle Venegas, Lisa Wallinger
Durée : 1h15
Jusqu’au 21 juillet à 11h, relâche les 10 et 17 juillet 2024
Théâtre des Halles
Rue du Roi René
84000 Avignon
Réservation :
04 32 76 24 51
www.theatredeshalles.com
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