© Caroline Gervay / Clea Petrolesi
ƒƒ article de Nicolas Brizault
Enterre-moi mon amour, de Clea Petrolesi est né d’après un article de Lucie Soullier Le voyage d’une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp paru dans les Grands formats du Monde.fr en décembre 2015. Lucie Soullier y reprenait un immense périple de Dana et Kholio, une jeune femme et son beau-frère : « Un voyage de la Syrie à l’Allemagne qu’ils partagent avec leurs proches grâce au service de messagerie WhatsApp. Entre photographies du coucher de soleil et selfies en gilets de sauvetage, leur conversation évolue au rythme des petites victoires et des grands moments de doutes propres à l’exil de tant de migrants.» Toute leur histoire est reprise ici, ce n’est pas une pièce de théâtre, pas du tout, plutôt un écho, une tentative de donner à la fois chaire et volume à cette aventure si difficile, longue et donc partagée presque tout du long grâce à cette invention parfois magique du téléphone portable.
Un comédien et une comédienne soutiennent ces « voix écrites » et autres symboles comme les sourires, les cœurs, les doigts croisés. Ils font le chemin entre Damas et l’Allemagne. À côté d’eux, très présente et à la fois dissimulée, ici et là en quelque sorte, une femme tire des photos, façon argentique, pour nous faire suivre aussi ce chemin, périlleux, long, inattendu.
Idée très bonne de Clea Petrolesi que celle de mettre en volume le travail de Lucie Soullier, tous ces jours de Dana et Kholio vers l’Allemagne, leurs messages entre frères et sœurs, mère, amis, de nous mettre en plein visage la difficulté, la peur, la fatigue. La scénographie est simple et efficace, multiple. Les photos misent à jour peu à peu, et en face deux « fenêtres-écrans » sur lesquelles seront écrits les noms de tous ceux qui apparaîtront, qui serviront de « scène » notamment lorsque nous verrons la mère, seule, inquiète, allant et venant. L’écran offrira à tous les gamins d’une classe ayant vu ce spectacle la chance de donner leur avis, de poser des questions, soulever ici ou là une question. Donner vie plus encore à cet événement.
Enterre-moi mon amour ressemble à un reportage, reste très proche du travail de Lucie Soullier, il lui donne relief, volume, mouvement. Un peu plus de mystère ? Il est la première mise en scène de Clea Petrolesi et nous attendons les prochaines avec impatience tant celle-ci est forte. Quelques petits moments frôlent le surjeu malheureusement, les voix sont ponctuellement trop sages, comme simplement douées, pas assez plongées dans la trouille, le doute. Dommage. Les échanges via portable sont très présents au début, puis disparaissent plus ou moins : est-ce bien le réseau qui fait des siennes, comme c’est indiqué à un moment, ou un petit oubli, un abandon ? On ne les sent plus en tout cas et le côté technique s’est évaporé.
Enterre-moi mon amour possède en tout cas une force irrésistible, nous dit « regarde-moi », « écoute-moi », bref nous envoi texto sur texto pour nous faire ouvrir les yeux sur un problème très présent, dont on parle tous les jours depuis des années et qui parfois ne fait plus que glisser. Pas de coup de poing, pas de hurlement, seulement les tremblements. La vérité, mauvaise et toute petite de temps en temps. Très bonne idée de plonger des ados en plein dedans.
© Caroline Gervay / Clea Petrolesi
Enterre-moi mon amour, de Clea Petrolesi
D’après l’article de Lucie Soullier Le voyage d’une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp paru dans les grands formats du Monde.fr
Mise en scène Clea Petrolesi
Assistant mise en scène Yoann Josefsberg
Interprètes Loup Balthazar, Caroline Gervay, Benoît Lahoz
Création vidéo et dispositif Benoît Lahoz
Création lumière et son Carla Silva
Photographie Caroline Gervay
Travail corporel Lilou Robert
Scénographie Agathe Zavaro
Création sonore David Couturier
Construction décor Léo Lagarde, Benjamin Gabrié
À 19 h les vendredi 6, vendredi 13 et vendredi 20 mars 2020
À 20 h les samedi 7, mardi 10, mercredi 11, jeudi 12, samedi 14, mardi 17, mercredi 18, jeudi 19 et samedi 21 mars 2020
15 h 30 les dimanche 8 et 15 mars 2020
À 14 h 30 le jeudi 19 à (scolaire)
Salle Blanche
Durée 1 h 30
Théâtre Paris-Villette
211 Avenue Jean Jaurès
75019 Paris T+ 01 40 03 74 20
www.theatre-paris-villette.fr
Tournée :
Théâtre Jean Vilar, Vitry-sur-Seine (20 avril 2020, en ouverture du Festival les Transversales)
La Barbacane, scène conventionnée de Beynes (6 novembre 2020)
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