Critique d’Evariste Lago –

Voguer dans la mare aux canards

Avec « Encore un tour de pédalos »,  on nage dans un univers gay pas très gai : une pseudo comédie musicale à quatre voix qui se veut à l’opposé des « archétypes » mais malheureusement pas des stéréotypes.

Tout commence, évidemment, par l’homophobie latente d’une société moderne occidentale qui dénigre sa population d’homosexuels mais qui s’aperçoit finalement « qu’être gai c’est bien ». Ce pourrait être un bon slogan politique porté, évidemment, par une femme. S’ensuivent les histoires des quatre protagonistes : la sortie du placard, les premières amours, les premières relations sexuelles et les multiples formes que peut prendre le plaisir homosexuel. À se demander comment les hétérosexuels peuvent encore parler fièrement de leur libido si sage. Pas une parole sans que les mots bite ou cul  soient prononcés. « Raffiné » ? A voir. Vous ai-je dis que l’auteur souhaitait s’insurger contre les archétypes ? Il est vrai que tous les homos rêvent de devenir des « godes » géants pour sodomiser la terre entière. Heureusement pour les hétéros, le sida ne semble être qu’une maladie exclusivement gay. Les chansons larmoyantes nous le rappellent bien.

© Giovanni Cittadini Cesi

Nos quatre quidams dopés à la musculation (les homos passent leur vie dans les salles de sport) vont ensuite se retrouver en slip pour figurer la peine endurée par la communauté à des époques et dans des pays moins tolérants que les nôtres. Attention cependant, pour ne pas nous glorifier, pauvre occidentaux pervertis, il est évidemment fait référence à la colonisation homophobe (?) française et aux camps de concentration de la seconde guerre mondiale. Evidemment ! Tous les homosexuels sont masochistes. En slip donc. Les homos adorent se dévêtir en toutes situations, même celles qui ne le demandent pas. Les chansons sont drôles et bien écrites, bourrées (sans mauvais jeu de mots) de bons mots. L’homosexuel est un être toujours drôle. Réaction à son mal être intérieur ? Car oui, l’homosexuel est malheureux et dépressif (Je hais les gais) ! Pas de salut pour eux dans nos sociétés qui vont de plus en plus mal, où la démocratie est maltraitée, la République en danger, etc … bref. Nos quatre chanteurs sans la croix de bois, ah oui, j’oubliais que tous les homosexuels sont anti-religion et de gauche. Vous ai-je dis que l’auteur combattait les archétypes et « le retour en force de l’hypocrisie sournoise » ? Bref, nos quatre chanteurs français black, blanc, beur et accessoirement français de souche ; non, belge en fait ; juif et musulman, sont merveilleux et débordants de talents.

© Giovanni Cittadini Cesi

Ce choix de l’auteur, qui veut faire un « gai bras d’honneur que nous inspire notre identité nationale » n’est pas loin de l’archétype de l’auteur engagé. Le métissage est à la mode et n’oublions pas que les homosexuels sont toujours à la pointe de la mode et du bon goût. Vous ai-je dit qu’Alain Marcel voulait « tirer à vue sur […] les amalgames » ? Si le but déclaré est d’être « provocateur, hargneux, insolent, salubre… », pourquoi la question gay se résume-t-elle aux hommes ? Pourquoi tant de lieux communs et de facilité ? Pour que les rires fusent dans la salle ?  Finalement, ces rires ne sont-ils pas plus homophobes que ce qui se passe dehors ? Dommage qu’« Encore un tour de pédalos » ressemble plus à un manifeste du canard déchainé qu’à un pavé dans la mare.

Encore un tour de pédalos (Je hais les gais)
Écriture et mise en scène : Alain Marcel
Avec : Yoni Amar, Philippe d’Avilla, Steeve Brudey et Djamel Mehnane
Arrangement et piano : Stan Cramer
Lumières : Pierre Peyronnet
Costumes : Jef Castaing
Chorégraphie : Mary-Laure Philippon
Son : Hervé Lombard

Du 23 novembre au 31 décembre 2010

Théâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris – Réservations 01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

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