© Jean-Louis Fernandez
ƒƒ article de Denis Sanglard
La fin du monde c’est pour demain ? Alors autant agir vite et qu’importe les moyens. Ça commence par une prise d’otage, Madison, 11 ans, séquestre Sophia, même âge, fraîchement réélue maire au conseil municipal des enfants. Là, deux conceptions du monde, vu à hauteur d’enfance, s’affronte. A Madison qui refuse le monde des adultes, décline une série de droit de l’enfant – charte toute personnelle – prône le recours à la force, prête à combattre la démocratie, Sophia oppose le dialogue, la conciliation avec les adultes et le poids démocratique du vote. Deux visions contradictoires influencées par leur éducation mais une véritable réflexion sur la société et une conception du monde qui engage leur avenir. Car il s’agit bien d’engagement ici, comment agir pour que cet avenir incertain ne soit pas oblitéré par la folie des adultes. Malgré leurs différents, entre ces deux-là s’amorce une volonté de se comprendre sinon de s’entendre. Mais rien n’est simple et des ambiguïtés apparaissent. Et quand le Covid s’en mêle, bien des certitudes s’effondrent.
Pauline Sales est allée à la rencontre des enfants du Val-de-Marne. Elle les a interrogés sur le monde qui les entoure, leurs connaissances de l’actualité, leurs ressentis, leurs rêves. Politique, écologie, féminisme, discriminations, inégalités… qu’est ce qui résonne en eux ? Comment envisagent-ils le futur ? Malgré le déterminisme, l’influence de leur éducation et de leur milieu, de leur scolarité, quelle est leur pensée propre ? Toutes ces questions ont été le terreau de cette pièce, quelque peu didactique, mais qui a le mérite de brosser de l’enfance et de l’adolescence un tableau au plus près d’une réalité, la leur, jusque dans leurs contradictions et leurs ambivalences. Sur le plateau c’est une fable sensible, qui accuse parfois un peu les traits, mais qui évite le piège du manichéisme, prenant très vite des chemins inattendus. Il y a bien ça et là quelques facilités, quelques clichés attendus, néanmoins c’est fichtrement bien écrit et évite la démonstration et le discours. Le dialogue est percutant, non sans humour, et les sujets brassés, moulinés remettent en question bien des idées reçues sur cette génération, ce continent inconnu et parfois oublié des adultes. On est même surpris de tant d’acuité et de sensibilité au monde. Sciemment Pauline Sales a quelque peu grossi les caractères, Madison est une survivaliste éduquée par son père dans la terreur du lendemain et le refus de l’Etat, on craint le pire mais l’actualité nous rattrape, jouant ainsi des oppositions pour exacerber son propos, voire le nuancer au fur et à mesure qu’avance le dialogue et progresse leur réflexion. Ça passe d’autant mieux que les trois sur le plateau (ajoutons Ethan, garçon involontairement croit-on, embarqué dans cette histoire) s’emparent de ce texte avec une conviction fermement chevillée. Ils sont jeunes, plus âgés que leur rôle mais passons, et semblent d’autant plus convaincus et convainquant qu’ils nuancent avec une juste émotion leur personnage et leurs propos. A entendre ce désir d’avenir qui n’a rien d’utopique, fortement ancré dans le réel, on se dit que non, la fin du monde n’est pas pour demain, mais la création d’un nouveau semble bien en marche.
© Jean-Louis Fernandez
En prévision de la fin du monde et de la création d’un nouveau, texte et mise en scène de Pauline Sales
Création sonore et musicale Simon Aeschimann
Costumes Nathalie Matriciani
Coiffures et maquillages Cécile Kretshmar
Scènographie Damien Caille-Perret
Création lumière Xavier Libois
Régie son Jean-François Renet
Avec Jacques-Joël Delgado, Vinora Epp, Cloé Lastère ou Noémie Pasteger
Du 28 mars au 6 avril 2022
Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières
75020 Paris
Réservations 01 83 75 55 70
lesplateauxsauvages.fr
Tournée
26 novembre 2022 : Théâtre de Fresne – avec le festival Les Théâtrales
2 et 3 décembre 2022 : Gentilly – avec le festival Les Théâtrales
4 et 5 décembre 2022 : Théâtre de Choisy-le-Roi – avec le festival Les Théâtrales
9 au 12 mai 2023 : Théâtre de la Joliette Marseille
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