ƒƒƒ article de Denis Sanglard

© Claude Noël

Libre adaptation de Britannicus de Racine, En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas, évacue le politique pour ne se concentrer que sur le clan familial, les relations ambivalentes entre Britannicus et ici son demi-frère Néron, l’amour possessif et dévorant d’Agrippine pour ses deux fils. L’arrivée de Junie dans ce foyer, cet appartement de banlieue, voit s’exacerber les tensions, les désirs, les trahisons et mène à la tragédie la plus noire. Néron veut posséder Junie, Agrippine reprendre ses deux fils, Octavie et Britannicus sauver ce qui peut l’être. Il ne restera que neige et cendres sur un plateau carbonisé. C’est un texte âpre, une langue crue et poétique à la fois, où la sécheresse le dispute au lyrisme. Steve Gagnon, auteur québécois associé cette année au Théâtre du Peuple signe une pièce forte, une tragédie noire, sensuelle, charnelle, obscène… Les corps et les sentiments sont à nus, à vif. On baise, on se lacère. C’est du pareil au même. Vincent Goethals opte pour une ligne très claire, une mise en scène d’une grande clarté, d’une très belle sobriété. A l’image de cette scénographie aux teintes grises et blanches, cube éclaté et sans aspérité où les corps se découpant de façon si nette affichent d’emblée le trouble, les tensions brûlantes qui surgissent. Et quand s’ouvriront les portes au lointain, moment toujours attendu, elles ouvriront sur la nuit et la tragédie, la dévastation, la neige et la cendre. Vincent Goethals épure, jusqu’à l’os, et rend sensible les tensions exacerbées, qui mènent au drame. Tension de la langue qui déchire, tension des corps qui se déchirent. Vincent Goethals n’élude rien, on baise crûment. Rien d’obscène, Louise Hakim a chorégraphié ces corps affamés qui s’entredévorent jusqu’au vertige. La mise en scène, serrée, tenue, s’attache à ces corps en souffrance, fébriles, tendus. Fait entendre cette langue rude aux fulgurances poétiques, au lyrisme sombre. Aucune partition ne l’emporte sur l’autre. C’est d’une fluidité fragile mais qui jamais ne rompt et mène irrésistiblement à la tragédie. Vincent Goethals a l’intelligence de ne jamais céder à la tentation d’en rajouter. Il fallait des acteurs d’exception pour obtenir un tel équilibre. Ils le sont tous. Jamais dans l’excès, le trop de tout. Il y a au contraire une très belle retenue, ne poussant jamais trop loin le jeu, faisant confiance au texte, à cette langue qu’il maîtrise et qui au final les possède, innerve leurs sentiments, nourrit leur folie destructrice. Aucune fausse pudeur non plus, ils vont jusqu’au bout de leur partition charnelle – un langage en soi – corps en oriflammes, nus et à vif, d’une passion incandescente qui les consume et embrase bientôt tout le plateau. Sur lequel, palpable, règne un bel engagement, absolu, confiant.

En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et ne s’arrête pas de Steve Gagnon
Mise en scène Vincent Goethals
Chorégraphie Louise Hakim
Lumières Philippe Catalano
Environnement sonore Bernard Vallery
Costumes Dominique Louis

Avec Violette Chauveau, Lindsey Genepri, Marion lambert, Sébastien Amblard, Aurelien Labruyère, Bernard Vallery
Du 26 juillet au 26 août 2017 à 20h45, relâche du dimanche au mardi.

Théâtre du Peuple
40 rue du théâtre
88540 Bussang

Réservations 03 29 61 50 48
reservation@theatredupeuple.com
www.theatredupeuple.com

en tournée :
A la Comédie de l’Est-CDN de Colmar les 4,5,6 octobre 2017
A l’Opéra-Théâtre de metz Métropole les 17 et 18 mai 2018

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