© Laura Lago
ƒƒ article de Denis Sanglard
Elle, ou sa Sainteté le Pape. Celui qui est à la fois tout et rien. Une icône, une représentation, un cliché, c’est à dire personne. Ou lui-même, au risque de nier sa fonction. Et en creux, l’absence ou la présence de Dieu incarné par ce pantin versatile en patin à roulette à la recherche d’une représentation idéale, de l’image et de son impact auprès de ses fidèles. En résumé et pour faire court, une histoire de morceau de sucre en somme, qui concentrerait l’esprit de sa Sainteté et de par sa solubilité pourrait pénétrer le sang des croyants. Cette étrange méditation papale est un texte posthume et inachevé de Jean Genet. Mystique et blasphématoire selon Saint Genet, corrosif donc. Où Le pape, qui n’hésite pas à exhiber ses fesses, n’atteint jamais la grâce ailleurs que sur son pot de chambre. La défécation source d’hypothétiques encyclique, il fallait y penser. Texte de 1955 qui annonce Les paravents mais ne sera publié qu’après la mort de l’écrivain, joué pour la première fois en 1989 par Maria Casarès. C’est Alfredo Arias, familier de l’œuvre de l’auteur et du travestissement, qui reprend l’habit sacerdotal et la mitre. Volubile et folle, engoncée dans la tournure de sa très chic soutane au graphisme recherché, sa Sainteté est dans sa bulle, à l’aise, papillonnant, vibrionnant, méditant, philosophant avec grâce et délicatesse non sans trivialité parfois. Ce pape-là est un clown métaphysique égaré sous les ors du Vatican… Alfredo Arias le tire doucement vers un léger grotesque, un petit côté guignol et farce sans jamais trop pousser la caricature. Scénographie réduite à l’essentiel et mise en scène, sobre, claire, qui prolongent le propos de Jean Genet, sur la fabrication de l’image. Sans en abuser, dieu merci, l’utilisation de la vidéo dématérialise ce pape histrion, le désincarne et va parfois jusqu’à se superposer à lui, l’absorber. C’est toute l’ambiguïté du propos de Jean Genet, de la question posée par sa Sainteté entre l’être et sa représentation, de sa dissolution et de sa fonction. Et sa modernité prémonitoire à l’heure du tout média incontrôlable où l’image prime sur son (absence de) contenu. Ce n’est pas pour rien non plus que ce texte subversif soit étonnement mais logiquement borné par deux autres textes, très belle surprise et découverte, le corroborant avec subtilité. Juliette et le pape du divin marquis de Sade en prologue. Et en épilogue A un pape de Pier Paolo Pasolini. C’est entre ces deux pôles qu’oscille Elle. L’un et l’autre étant une réponse possible sinon la réponse à Jean Genet.
Elle de Jean Genet
Mise en scène Alfredo Arias
Scénographie Alfredo Arias
Collaboration à la scénographie Elsa Ejchenrand
Costumes Pablo Ramirez
Lumière Jacques Rouveyrollis
Vidéo Alejandro Rumolino
Son Thierry Legeai
Musique Diego Vila
Assistants à la mise en scène Olivier Brillet, Luciana Milione
Assistante lumière Jessica Duclos
Avec Alfredo Arias, Marcos Montes, Adriana Pegueroles, Alejandra Radano
Du 7 au 24 mars 2018 à 20h
Le mardi à 19h, le dimanche à 16h, relâche le lundi
Athénée/Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau
75009 Paris
M° Opéra, Havre Caumartin, RER A Auber
Réservations 01 53 05 19 19
www.athenee-theatre.com
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