Critiques // Critique • « Écrire » de Marguerite Duras, mise en scène de Jeanne Champagne à l’Atalante

Critique • « Écrire » de Marguerite Duras, mise en scène de Jeanne Champagne à l’Atalante

Sep 20, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Écrire » de Marguerite Duras, mise en scène de Jeanne Champagne à l’Atalante

Critique de Rachelle Dhéry

« C’est dans une maison que l’on est seul »

C’est sur ces mots que débute le sublime texte de Marguerite Duras (1914-1996), sur ce qui fut le moteur de sa vie, l’écriture. Elle nous livre ce témoignage émouvant dans les derniers instants de sa vie, après avoir vécu la mort précoce d’un père, une enfance baignée dans les colonies d’Asie, la perte d’un enfant, le divorce, l’amour, le théâtre, le cinéma, l’alcool et même le communisme. Sa vie, d’une richesse inestimable, fut pourtant pénétrée de solitude : un mot qui revient souvent dans son texte. Mais comme elle l’explique elle-même, il ne s’agit pas toujours d’une solitude subie, elle devient, pour l’écrivain qu’elle était, une nécessité.
« On ne trouve pas la solitude, on la fait. La solitude elle se fait seule. Je l’ai faite. »
« La solitude, ça veut dire aussi : ou la mort, ou le livre. »

© Stéphane Gaillochon

« Elle ne doit pas savoir ce qu’elle dit, sinon, elle s’y perdrait »
Jacques Lacan à propos de Marguerite Duras.

Porter un texte à la fois si fort, si intimiste, si intensément vrai, au théâtre, relevait purement et simplement du défi, voire du culot. Après tout, ne sommes-nous pas assez grand pour le lire nous-même? Avons-nous besoin de nous confronter à une scène pour comprendre toutes les subtilités des émotions transcendant les mots? À cela, il faut admettre que Jeanne Champagne a réalisé une prouesse. En effet, que l’on soit amateur de Duras ou néophyte complet, la magie opère. Pour transmettre le texte, elle a fait appel à une interprète magnifique, Tania Torrens, avec qui elle travaille depuis 1995, et notamment sur le parcours Duras Intérieur / Extérieur.

À lire ou relire, à voir ou revoir.

Dès les premiers instants, la comédienne nous emporte avec elle, dans cette immense maison de Neauphle-Le-Château, où Marguerite Duras a tant aimé, et tant écrit. En un regard, l’audience est conquise et nulle place n’est permise alors au doute: l’âme de Marguerite lui tient la main. Trois plans découpent un espace subtilement éclairé. Au centre, une chaise placée face à un ancien magnétophone, en marche, pour qu’une trace de ses souvenirs subsistent. À cour, une table d’écriture et à jardin, un fauteuil de cinéma. En fond sonore, un téléphone auquel elle ne répond jamais. Quelques fois, des bruits de sa vie viennent ponctuer ses confessions : des voitures, la mer, des hommes, des cris d’enfants. C’est dans cet environnement que Tania Torrens nous livre avec une grandeur humble, entre humour et amour, douleurs et douceurs, respect et vérité, ce qui fut au cœur de la vie d’une femme admirable: écrire.

Autour de la pièce :

Vendredi 23 septembre 2011 à 17h30
Conférence de Joëlle Pages-Pindon, professeur de Chaire supérieure de Lettres et spécialiste de l’œuvre de Marguerite Duras.
« L’écriture chez Duras : expérience existentielle et poétique de la langue »

Jeudis 22, 29 septembre et 6 octobre 2011
Rencontre entre les artistes et le public à l’issue des représentations

Écrire
De : Marguerite Duras (Éd. Gallimard)
Mise en scène : Jeanne Champagne
Avec : Tania Torrens
Scénographie : Gérard Didier
Lumières : Franck Thevenon
Son : Bernard Valléry

Du 17 septembre au 7 octobre 2011
Du mercredi au lundi à 20h30, jeudi et samedi à 19h, dimanche à 17h

Théâtre de l’Atalante
10 Place Charles Dullin, Paris 18e
Métro Abbesses, Anvers – Réservations 01 46 06 11 90
www.theatre-latalante.com

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