À l'affiche, Critiques // Eclipses, Fragments d’une nuit, texte et mise en scène de Valérian Guillaume, au Théâtre de Belleville

Eclipses, Fragments d’une nuit, texte et mise en scène de Valérian Guillaume, au Théâtre de Belleville

Avr 16, 2016 | Commentaires fermés sur Eclipses, Fragments d’une nuit, texte et mise en scène de Valérian Guillaume, au Théâtre de Belleville

Article de Victoria Fourel

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Le dossier de presse d’Eclipses se présente sous la forme d’une notice de médicament. Et le spectacle y est très bien décrit : multiple, en recherche, obscur. Et c’est là que le mode d’emploi prend tout son sens. Sans lui, Eclipses est un mystère, un objet théâtral étrange, et il est facile de passer à côté.

Cherchant à dépeindre les nouvelles thérapies du bonheur, cette création est un mélange de textes écrits et liés les uns aux autres par l’auteur, d’extraits de forums Internet, et de témoignages et expériences de coaching. Et cette forme mozaïque est complétée par la présence de professionnels et d’amateurs sur le plateau, créant une masse de questions et d’individualités. Scéniquement, on est dans le pur contemporain, l’esthétique par des matières et des textures d’aujourd’hui. Des bâches au sol, un ballon en forme de requin qui flotte, sorte de décor d’océan, et des explorateurs, laborantins, qui déballent leurs expériences, face à face. Puis, rejoints par de belles présences disparates, ils réalisent de courtes performances visuelles et théâtrales, que l’on reconnaît si l’on a pris part à des ateliers théâtre, des travaux de groupe. Et ici, même avant que ne vienne la troisième partie, se pose le problème de la compréhension. Sans qu’il soit nécessaire de tout comprendre, de tout savoir, cette création en trois blocs, cette accumulation d’exercices de choeur, tout ça ne vient pas jusqu’à nous. Ça nous questionne, oui, mais aussi, ça nous met mal à l’aise. Rire tous ensemble, marcher en rythme sur cette bâche (bruyante), faire porter les voix, ou les éteindre simultanément, ces exercices, car c’est bien de cela qu’il s’agit, sont passionnants à mettre en place en groupe, mais donnent l’impression que l’on est spectateur d’un compte-rendu de stage, sans fil conducteur.

Et c’est ce manque de fil conducteur qui fait qu’on ne peut projeter un intérêt sur Eclipses. Le décor n’est pas utilisé, il y a des belles images, mais beaucoup de choses incompréhensibles sans guide à travers le spectacle. Le travail du choeur, intéressant pour des comédiens, mais aussi pour des amateurs, est assez réussi, mais quelque chose dans les costumes, dans les silences, dans la musique, ne crée aucun corps chez ce choeur, et n’est dès lors pas du tout un soutien pour le propos. Ça ne fonctionne pas. Et quand la lumière faiblit, avant le salut final, et que retentit la dernière chanson de Renaud, Toujours debout, on est encore une fois interloqué. Pourquoi ce choix de chanson ? Pourquoi cette fin? Le but était-il simplement de mettre sur le plateau un propos, une esthétique, des exercices, et là, une chanson, sans que cela ne résonne avec rien ? Et ces questions, on a du mal à se les poser car il demeure dans le spectacle quelques moments très forts, et notamment le troisième pan, un monologue-fleuve, porté à bout de bras par un comédien épatant, celui d’un type à qui personne ne parle, et pour qui tout, même l’insignifiant, est un événement. Drôle, enlevé, moderne, technique, c’est un moment de théâtre où le comédien, immobile jusque-là se met en action, se met en mouvement, et nous capte par ses ruptures et sa droiture, nous capte autour des relations humaines, réelles ou factices, du lien avec le monde extérieur, notre rôle dans une société. Mais dès qu’on se laisse emmener par ce monologue, on réalise d’autant plus que le reste du spectacle nous était lointain et obscur.

Eclipses pose question, et a été façonné avec plaisir et exigence. Mais on a la sensation qu’il nous oublie, qu’il faut avoir été préparé pour se sentir inclus dans la démarche. Car ce que le spectateur a sous les yeux doit lui évoquer des choses, mettre en marche la machine de l’imagination, et ce, sans faire partie du choeur ni s’être renseigné. Et c’est ce que ce spectacle peine à faire : sortir de sa théorie, être construit, et être simple.

Eclipses, Fragments d’une nuit
Texte et mise en scène Valérian Guillaume
Avec Arthur Daniel, Jean Hostache, Zoé Lizot, Axel Belin, Marie Bigorgne, Melinda Bourbon, Louise Deloly, Lola Gutierrez, Chloé Halbwax, Xenia Ivanova, Gaël Jacob, Marion Letessier, Thibaut Marion, Sylvie Nadot, Victor Le Normand.
Du 13 au 24 avril 2016
Du mercredi au samedi à 21h15, et le dimanche à 17h.

Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple – 75011 Paris
Métro Belleville (ligne 2 et ligne 11) et Goncourt (ligne 11)
Réservation 01 48 06 72 34
www.theatredebelleville.com

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