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Éclipse, conception et interprétation Léo Rousselet, au Mouffetard Théâtre des arts de la marionnette, festival Scènes ouvertes à l’insolite

Oct 01, 2020 | Commentaires fermés sur Éclipse, conception et interprétation Léo Rousselet, au Mouffetard Théâtre des arts de la marionnette, festival Scènes ouvertes à l’insolite

 

 

© Léo Rousselet

 

ƒƒ article de Marguerite Papazoglou

Éclipse, spectacle solo de Léo Rousselet, a bel et bien sa place dans le festival des Scènes Ouvertes à l’Insolite dédié aux artistes émergeants, aux surprises jubilatoires et aux pépites à suivre — belle programmation assurée par Le Théâtre des arts de la marionnette (Mouffetard), en complicité avec le Théâtre aux Mains Nues. Non content de faire décrire les courbes parfaites habituelles aux balles de jonglage et autres objets, Léo Rousselet manipule aussi l’immatériel : grâce au jeu avec le noir et la lumière, il jongle littéralement avec le regard du spectateur, nous faisant déraper sans arrêt. Artiste complet, jongleur, clown, magicien, musicien et dramaturge, il s’empare des 25 minutes du spectacle pour les soustraire au temps, les éclipser ou les démultiplier, nous emportant dans un univers incongru, entre hyperréalisme et fantastique, aussi minimal qu’envoûtant. C’est ciselé, tranchant, drôle, intriguant, et extrêmement bien tenu d’un bout à l’autre.

Entrée en scène d’un grand jeune homme dégingandé, timide et s’ajustant sans cesse, il s’installe. Chaise de bistrot, petite enceinte, lampe suspendue, ficelle de l’interrupteur vintage, verre d’eau, bougie, l’image est absolument minimale, en noir et blanc, une seule source de lumière… et elle restera quasiment fixe ! Tout cela est un jeu de variations et de contrepoints millimétrés d’une scène en construction permanente, toujours interrompue et toujours renaissante, d’une musicalité virtuose. L’art mais aussi l’émotion de la répétition, une atmosphère un rien beckettienne, un monde en huis clos se complexifiant jusqu’à l’absurde voire la nausée, tournant implacablement telle une bobine de film dans son lecteur. Cette scène sans fin tourne, s’inverse, retourne encore, éclatant les arrêtes logiques de la causalité tout en les avivant à la fois. La flamme de la bougie, l’eau, la lumière, tout entre dans un rythme autonome où il suffit de se glisser pour participer de l’harmonie, rester suspendu au lieu de tomber. La magie et la prestidigitation apparaissent comme le prolongement naturel du jonglage car qu’est-ce que le jonglage sinon un jeu d’illusion, de rythmes et de vitesses relatives ? De là au principe de la lanterne magique il n’y a qu’un pas. Pour notre plus grand plaisir, Léo crée des scènes oniriques à partir d’images flashées entrecoupées de noir où il bouge plus vite que son ombre. Les moyens techniques restent toujours éléments de jeu, simples et clairs, nous restons dans la sobriété et le dénuement, un dénuement de clown. Et Léo s’embarque là dedans non sans talent, flirtant avec le cinéma muet, ses rythmes, sa complicité avec le public, des rires fusent. Son personnage, qui tire de plus en plus vers les mimiques corporelles d’un Charlot, est juste quoique peut-être trop systématique. On retrouve la vraie fausse naïveté, la timidité, le génie méconnu, le clochard brillant qui fait feu de tout bois et pour qui la moindre allumette est la clé du bonheur. Il ne manquait plus que quelque petit ingrédient plus intime ou plus nuancé, moins mécanique, pour atteindre le septième ciel à la frontière de tous les arts.

 

 

Éclipse de Léo Rousselet

Conception jeu, jonglage et lumière : Léo Rousselet
Le 17 septembre 2020 à 19 h et le 18 à 21 h

Durée 25 minutes

 

Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard
75005 Paris

Réservation au 01 84 79 44 44

www.lemouffetard.com

 

 

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