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Dorothy, d’après Dorothy Parker, par Zabou Breitman, Théâtre du Chêne Noir, Festival d’Avignon (Off)

Juil 25, 2021 | Commentaires fermés sur Dorothy, d’après Dorothy Parker, par Zabou Breitman, Théâtre du Chêne Noir, Festival d’Avignon (Off)

 

© Pascal Victor/Opale

 

ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Le spectacle Dorothy commence curieusement dans la belle salle Léo Ferré du Théâtre du Chêne noir qui semble jouer à guichet fermé chaque soir. Zabou Breitman attend patiemment sur scène que les derniers des 288 spectateurs prennent place sur leurs sièges. Elle commence l’air de rien, quand elle estime que cela doit commencer, réglant la lumière et le son à partir d’une mini régie sur le plateau, déroulant deux tapis, déplaçant une table, réglant un projecteur.

On ne comprend pas trop le sens de tout cela, ni au début, ni à la fin, autrement que par le désir profond de mener un one woman show dont Dorothy Parker n’est que le prétexte.

Quel dommage ! Car la figure américaine du début du XXème se prêtait bien à une mise en abîme dramaturgique et Zabou Breitman en avait les moyens. Après sa petite mise en place scénique en soi sans intérêt mais assez bluffante dans sa fausse décontraction maîtrisant chaque bribe de son texte à la perfection, racontant des morceaux de la vie de Dorothy Parker, cette femme libre, émancipée, touche-à-tout qui eut comme activité principale d’être journaliste chez Vogue, Vanity Fair et The New Yorker dont les extraits de plusieurs exemplaires sont lus par la comédienne tout au long du spectacle. Celle que l’on surnommait « the wit » (la futée) ou « Dotty » fut aussi une (féroce) critique théâtrale et auteure de poésies et de nouvelles. Ce sont justement certaines de ses nouvelles que Zabou Breitman a voulu adapter. Et là encore on n’en comprend pas le sens. Soit que la sélection est mauvaise, soit que les nouvelles elles-mêmes de Dorothy Parker ne méritaient pas que l’on s’y arrête, à la différence de sa vie et de ses combats. Des instantanés cocasses de dîners mondains ou autres rencontres sont délayées de longues minutes durant d’une manière très statique tranchant avec les déplacements et changements de tenues incessants.

Pourquoi un tel choix ou parti pris alors que la vie de Dorothy Parker fut si fascinante et que lui consacrer un biopic théâtral était une idée si pertinente ? Les quelques éléments fournis au début puis avarement distillés ensuite étaient propices à la dramaturgie, dans la période notamment passionnante de la prohibition aux États-Unis qui conduisit paradoxalement à une plus grande émancipation des femmes comme le montre pertinemment Zabou Breitman quand elle fait référence à l’adoption des 18ème et 19ème amendements. Les combats de Parker furent nombreux, de la lutte contre la misogynie (tout en détestant les féministes) à la lutte contre la xénophobie qu’elle mena jusqu’au bout en laissant son héritage à Martin Luther King, décédant finalement d’une crise cardiaque – conséquence probable de son alcoolisme – après avoir raté trois suicides au cours de sa vie excitante et désespérée.

Le passage le plus abouti du spectacle concerne bizarrement le sort des cendres de Parker, laquelle avait décidé à l’avance de son épitaphe – « Excuse my dust » (« Pardon pour la poussière ») –, mais pas de la destination de ses restes qui ont erré de 1967, année de sa mort, à 2020, celle du transfert dans une tombe du cimetière du Bronx. Du crématorium du Westchester au siège de la National Association for the Advancement of Colored People en passant par le bureau de son notaire, leur destin fut à l’image du personnage et de sa vie, tragique et romanesque.

Malheureusement, dans l’ensemble, Dorothy ne rend pas vraiment hommage à Parker. Le spectacle cherche surtout à mettre en valeur Zabou (comme l’appellent familièrement, comme une vieille connaissance, de nombreux spectateurs dans la queue et à la sortie) qui au final déçoit, à regret, en dépit de son talent incontestable et d’un sujet (aux deux sens du terme) captivant.

 

© Pascal Victor/Opale

 

Dorothy d’après Dorothy Parker

Avec : Zabou Breitman

Conception, écriture Zabou Breitman

Création lumière Stéphanie Daniel

Création son Yoann Blanchard

Costumes Zabou Breitman et Bruno Fatalot

Accessoires Amina Rezig

Assistante à la mise en scène Laura Monfort

Chorégraphie Emma Kate Nelson

Régie générale Eric Maurin

Regard extérieur Antonin Chalon

 

Durée 1 h 15

 

Jusqu’au 31 juillet à 21 h 30

Relâche le 26 juillet

 

 

Festival d’Avignon – Off

 

Théâtre du Chêne oir

8 bis rue Ste Catherine

84000 Avignon

 

www.chenenoir.fr

 

 

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