ƒ article de Florent Mirandole
© Brigitte Enguérand
Don Juan est une pièce à fragmentation, qui mine un à un tous les fondements de sa société. Ecrite après Tartuffe, elle se révèle encore plus sulfureuse tant son personnage central semble planer bien haut dessus des mœurs de sa société. Regardant s’agiter d’un regard amusé et incrédule ces maris trompés, ces frères choqués et ces nones abandonnées, Don Juan ridiculise au final sa société par sa désinvolture. C’est à ce personnage sulfureux que s’est attaqué ici Jean François Sivadier.
La perspective de voir Don Juan s’en prendre à nos dévots de 2016 était réjouissante. Qui cet être maléfique, prompt à dévoiler les hypocrisies, allait-il démasquer en premier ? Les pistes étaient nombreuses, la société française ne manque pas d’inquisiteurs. Les promesses de la pièce, entretenues par des affiches aux teintes électriques, s’envolent pourtant très vite.
Les premières paroles de Don Juan donne le ton. Charmeur, séduisant, drôle, Don Juan se jette sur les femmes du public avant même d’avoir atteint la scène. Nicolas Bouchaud, tellement à l’aise dans la séduction, étouffe très vite toute ambiguïté. Ce Don Juan-là ne sera pas révolutionnaire. Il est resté dans le 17ème siècle, s’attaque à la religion chrétienne et se bat encore à l’épée contre les frères outragés. Ce Don Juan-là n’est décidemment pas de notre siècle.
La pièce est pourtant loin d’être fade. Nicolas Bouchaud éclabousse toujours la scène de sa présence. Il fait équipe avec un très bon Sganarelle, interprété par Vincent Guédon. Le reste de la distribution manque par contre d’épaisseur, malgré des efforts pour sortir leur personnage des sentiers battus. C’est plutôt du côté de la scénographie qu’il faut se tourner pour contempler la plus belle réussite de la pièce. Les décors et les effets d’éclairage sont magnifiques. Le thème du ciel, seul véritable obstacle à la séduction compulsive de Don Juan, est ainsi omniprésent tout au long de la pièce à travers un nuage de globes suspendus. La tempête finale qui s’abat sur la scène de l’Odéon s’avère également spectaculaire, et apporte un peu de drame à cette pièce ronronnante.
Si l’on rit aux blagues potaches de Sganarelle et si l’on apprécie les reparties cinglantes du texte, ce Don Juan-là s’avère malgré tout bien inoffensif pour véritablement bousculer le spectateur.
Dom Juan, de Molière
Mise en scène Jean-François Sivadier
Collaboration artistique Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit
Scénographie Daniel Jeanneteau, Jean-François Sivadier, Christian Tirole
Lumière Philippe Berthomé
Costumes Virginie Gervaise
Maquillages, perruques Cécile Kretschmar
Son Eve-Anne JoallandDurée 2h30
avec Marc Arnaud, Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Vincent Guédon, Lucie Valon, Marie Vialle
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon – 75006 Paris
Réservations : 01 44 85 40 40
www.theatre-odeon.eu/fr
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