Critiques // Critique • « Don Giovanni. Keine Pause » une “création” de David Marton vaguement d’après Mozart à la MC93

Critique • « Don Giovanni. Keine Pause » une “création” de David Marton vaguement d’après Mozart à la MC93

Sep 26, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Don Giovanni. Keine Pause » une “création” de David Marton vaguement d’après Mozart à la MC93

Critique de Ottavia Locchi

La naïveté inquiétante de David Marton

Mené par une volonté sans faille de « remettre le théâtre dans l’opéra », David Marton a pour spécialité de “déconstruire” les œuvres lyriques, pour ensuite les “reconstruire” en y magnifiant le théâtre. De formation musicale, ce metteur en scène est d’abord et avant tout un musicien : pianiste hors-pair, il fait ses gammes à l’Académie Franz Liszt de Budapest puis à Berlin, à l’Université des Arts (UDK), puis il passe cinq années sur la direction d’orchestre à la Hanns Eisler. Mais happé par sa passion du théâtre, il décide d’associer les deux en créant une forme nouvelle, soit disant ne se voulant pas un fabricant de scandale.
Le spectacle que nous offre ce connaisseur n’est pas scandaleux. Il est naïf. Parce qu’à travers cette quête de sublimation du théâtre dans l’opéra, il n’y a plus ni théâtre, ni opéra, mais une sorte de « patchwork », « zapping », forme à la mode qui ne défend plus rien et ne cherche même plus à avoir de sens. Et David Marton se complait dans ce joyeux mélange de références, croyant inventer quelque chose alors qu’il ne fait que trouver du génie dans l’œuvre des autres.

© David Baltzer

Pourquoi chercher du sens ? Me demanderez-vous. Il est pourtant simple d’apprécier cette création qui s’inspire de Mozart pour nous amener à une nouvelle lecture du mythe de Don Giovanni… À condition qu’il y ait une nouvelle lecture !
L’idée de mettre Don Giovanni en femme, de chercher comment lire cette œuvre magistrale de Mozart avec les codes d’aujourd’hui, d’essayer de renverser la vapeur tout en gardant la trame essentielle du mythe est une note d’intention absolument fascinante et profondément pertinente. Hélas, il ne suffit pas d’aimer Mozart et le théâtre, et de se poser la question pour arriver à donner un semblant de réponse…

Nous assistons hélas à une sorte de « best of » des airs de Mozart, sans justification, sans même prendre le temps de nous dire qui sont les personnages et ce qu’ils font. Et comme si le drame était insuffisant, Leporello devient personnage principal défendant une liberté à travers les mots empruntés au Marquis de Sade. L’action est plus que confuse dans cet hôtel, où Donna Elvira donne des leçons d’italien, où Zerlina essaye des chaussures et où Donna Anna pleure sur des fauteuil recouverts de cellophane. Est-il nécessaire de connaître l’histoire et d’avoir vu le Don Giovanni de Joseph Losey pour se retrouver dans ce méli-mélo ?

Si les sur-titres avaient été mieux traduits, peut-être aurions-nous mieux compris ces revendications sadiennes, et pourquoi Julian Mehne (Leporello) se retrouve nu sur le plateau. Nous aurions également mieux compris le lien avec Mozart, car quand ils chantent, les sur-titres dorment. Dommage, car nos notions d’italien et d’allemand sont manifestement insuffisantes…

© David Baltzer

Une seule consolation : la musique

Mozart n’est pas un génie pour rien, et la réorchestration de son opéra pour trois musiciens dirigé par Jan Czajkowski est un vrai bonheur. Lui-même jouant aux claviers, il est soutenu par la violoniste Nurit Stark, qui fait des merveilles (le mot est faible !) avec son instrument, et le guitariste finlandais Kalle Kalima. On apprécie les voix lyriques de Theresa Kronthaler (Donna Elvira) et de Yuka Yanagihara (Donna Anna), qui donnent non sans un certain humour la dimension sonore attendue mêlée à une certaine classe.
Côté ajouts (David Marton trouve certainement que Mozart est insuffisant pour souligner son génie novateur), on entend un « Nature Boy », sublime, par la serbe Yelena Kuljic qui incarne par ailleurs una “Donna Giovanna” bien peu crédible. Autres parasites musicaux : « Sexy Boy » (Air) ou le thème de « Love Story » (Francis Lai) viennent «  à point nommé nous rappeler que la musique de la vie n’est pas toujours celle de Mozart », comme nous le rappelle le directeur de la MC93 Patrick Sommier.
En fait, voilà, nous n’avons pas vu Don Giovanni de Mozart, mais Don Giovanni. Keine Pause, création intelligente de David Marton.
Pardon, je me suis trompée de salle.

Un spectacle qui s’adresse à notre cerveau, et laisse nos sens complètement à l’abandon.

Don Giovanni. Keine Pause
– Allemand, italien et anglais “surtitré” en français –
D’après : Wolfgang Amadeus Mozart
Mise en scène : David Marton
Sur une idée de : David Marton, Jan Czajkowski, Dag Kemser, Alissa Kolbusch
Avec : Jan Czajkowski, Daniel Dorsch, Marie Goyette, Christian Jenny, Kalle Kalima, Theresa Kronthaler, Yelena Kuljic, Julian Mehne, Nurit Stark, Yuka Yanagihara
Direction musicale : Jan Czajkowski
Scénographie : Alissa Kolbusch
Costumes : Muriel Nestler
Dramaturgie : Dag Kemser
Assistante à la mise en scène et collaboration artistique : Annika Stadler
Lumières : Henning Streck, Miriam Burghardt
Son : Daniel Dorsch
Régie Son : Norman Duncan Thorel
Assistante accessoiriste : Annabel Lange
Direction technique : Sven Nichterlein
Construction du décor : Bodo Herrman

Du 23 au 25 septembre et les 15, 17 et 18 octobre 2011
À 20h30, le dimanche à 15h30, le mardi 18 octobre à 19h30

MC93
1 boulevard Lénine, 93 000 Bobigny
Métro Bobigny-Pablo-Picasso
- Réservations : 01 41 60 72 72
www.mc93.com

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