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Don Carlos, de Giuseppe Verdi, livret de Joseph Méry et Camille du Locle, d’après Schiller, direction musicale de Simone Young, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, à l’Opéra Bastille

Avr 15, 2025 | Commentaires fermés sur Don Carlos, de Giuseppe Verdi, livret de Joseph Méry et Camille du Locle, d’après Schiller, direction musicale de Simone Young, mise en scène de Krzysztof Warlikowski, à l’Opéra Bastille

 

© Franck Ferville

ƒƒ Article de Denis Sanglard

Reprise à l’Opéra de Paris de Don Carlos, opéra à la française de Verdi (antérieur à sa création Italienne), mise en scène par Krzysztof Warlikowski en 2017. Une mise en scène étonnement intimiste, respectueuse de l’œuvre, trop sans doute tant elle paraît consensuelle voire convenue. Rien de spectaculaire et dans ce décor minimaliste qui voit le large plateau de l’Opéra Bastille quasi nu, une antichambre et plus loin une salle d’arme, l’action se concentre sur le drame des protagonistes, leurs conflits intérieurs, entre la passion et le devoir, la morale et le politique, avec en son centre nerveux la religion, nœuds de toute tragédie. La force de cette mise en scène, et sa faiblesse c’est selon, repose justement dans cette volonté de ne pas céder au sensationnel, jusque dans les scènes spectaculaires, ainsi la scène de l’autodafé, reléguée (presque) en second plan, le conflit entre Elisabeth et son époux Philippe II étant davantage privilégié. Conçu comme un long flash-back, ce qui évite la représentation de la forêt de Fontainebleau au premier acte, Krzysztof Warlikowski privilégie ainsi le dépouillement et l’unité de lieu pour mettre à nu et sans artifice les forces extérieures qui broient nos deux amants impuissants devant la mécanique implacable du pouvoir et de la religion. Dans cette antichambre, lieu de passage obligé, l’intimité ne peut être ou alors menacée accentuant la tension continue et l’oppression subie des deux amants que distille Krzysztof Warlikowski. L’image récurrente et projetée de Chronos dévorant ses enfants est des plus explicite. Mais alors que rien ne l’indique vraiment  dans le livret, Krzysztof Warlikowski suicide Elisabeth de Valois accentuant ainsi le drame qui se noue de façon définitivement tragique…

On a connu, il est vrai, le metteur en scène plus inventif. Ici, sans tirer le livret à soi, et peut être devant la complexité de l’intrigue à tiroir, a-t-il choisi d’être littéral ou presque, respectueux et du livret et de la musique de Verdi. Une (fausse) modestie qui l’honore malgré notre déception en références à ses mises-en-scènes plus analytiques et complexes au risque de perdre les spectateurs.

Sur le plateau, vocalement, c’est en demi-teinte. Une fois n’est pas coutume, parlons d’abord du chœur de l’Opéra national de Paris (dirigé par Ching-Lien Wu) qui ici fait montre encore une fois de tout son talent, impressionne encore par la qualité de sa prestation, sa puissance musicale et expressive qui en fait un acteur majeur de cette partition.

Charles Castronovo campe un Don Carlos un peu palot. La voix est puissante, expressive, l’énergie est là manque peut-être au ténor plus de subtilité dans l’appréhension de son personnage, trop univoque dans ses intentions lesquelles restent en surface et manque de profondeur, de relief. Mais cette fragilité, cette indécision, n’est-elle pas celle de son personnage ? Le contraste est sensible avec Andrzej Filończyk, Rodrigue, puissance et maîtrise d’une voix et d’un personnage à qui il donne de très belles inflexions, atteignant dans la mort son apogée, offrant une émotion brute. Le Baryton basse Christian van Horn, excelle en Philippe II, une voix naturellement autoritaire qui sied à son personnage mais à qui il insuffle aussi une certaine fragilité devant les résistances d’Elisabeth. Marina Rebeka, Elisabeth de Valois, aborde son rôle avec une maîtrise vocale qui semble imparable, des nuances d’une grande subtilité et un tempérament de tragédienne certain. Mais fatigue vocale ce soir-là ? il arrivait que sa voix soit couverte par celle de ses partenaires masculins. La mezzo-soprano Ekatarina Gubanova est LA princesse Eboli. L’ampleur de la voix, d’une grande aisance, à l’ambitus large qu’un jeu convaincant parachève, évoluant au fil de cette tragédie, donne à son personnage une grande richesse dramatique. Le reste de la distribution est de grande tenue qui ne souffre pas de la comparaison. Dans la fosse Simone Young est toute à son affaire. Précise et concise, elle déroule cette partition avec une grande maîtrise démontrant sa grande richesse stylistique et lyrique, son évolution dramatique et son expressivité théâtrale.

 

© Franck Ferville

Don Carlos, musique de Giuseppe Verdi

Livret de Joseph Méry et Camille du Locle, d’après Schiller

Direction musicale de Simone Young

Mise en scène de Krzysztof Warlikowski

Responsable de la reprise : Marguerite Borie

Décors et costumes : Malgorzata Sžczesniak

Lumières : Felice Ross

Vidéo : Denis Guéguin

Collaboration à la mise en scène : Claude Bardouil

Dramaturgie : Christian Longchamp

Cheffe des chœurs : Ching-Lien Wu

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Paris

Avec : Christian Van Horn, Charles Castronovo, Andrzej Filończyk, Alexander Tsymbalyuk, Sava Vernic, Marina Rebeka, Ekatarina Gubanova, Marine Chagnon, Teona Todua, Manase Latu, Hyun-Jong Roh, Amin Ahangaran, Nial Anderson, Alejandro Baliñas Vieites, Vartan Gabriellan, Florent Mbia, Milan Perišic, Vadim Artamanov, Fabio Bellenghi, Enzo Coro, Shin Jae Kim, François-Germain Manwell, Pierpaolo Palloni, Christian Rodrigue Mougougou, Yann Colette

 

Jusqu’au 25 avril 2025, à 18h

Durée 4h30, entractes comprises

 

Opéra Bastille

Place de la Bastille

75012 Paris

Réservations : www.operadeparis.fr

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