Critiques // « Dom Juan » d’après Molière, mise en scène Marc Sussi au Théâtre de la Bastille

« Dom Juan » d’après Molière, mise en scène Marc Sussi au Théâtre de la Bastille

Sep 19, 2010 | Aucun commentaire sur « Dom Juan » d’après Molière, mise en scène Marc Sussi au Théâtre de la Bastille

Critique de Patrice Martinez

Une virée à Joinville.

Tout le monde connaît l’histoire de Dom Juan, cet homme qui fait des ravages dans le cœur des femmes, qui occupe leur esprit et règne en maître sur leurs sens au point qu’elles en viennent à offrir l’un, à se débarrasser de l’autre et jouir de tout leur soûl des derniers, aussi prestement qu’elles ôtent leurs dessous.

© Philippe Delacroix

La première fois que j’ai rencontré Dom Juan, c’était je m’en souviens, à la kermesse de Joinville-le-Pont. Il se donnait en spectacle, comme à l’accoutumée, parmi d’autres énergumènes de son acabit plantés là, arrivés en ce lieu de la même façon qu’ils étaient arrivés sur les planches : par inadvertance. Point de salut ici : s’il y a des branches auxquelles le comédien est en droit de s’accrocher parfois, le bois dans lequel il est taillé est –qu’il ne l’oublie jamais– le même qui compose tous les magiciens et tous les musiciens. Et c’était un naufrage ; la scène se disloquait faute d’avoir été mise ; les corps étaient de plomb, capables de s’émouvoir seulement en sombrant au plus profond de l’eau ; mollement balancée par les courants marins, leur tête allait venait comme un grelot perché au sommet d’un pantin ivre d’amour buccal ; et je me rappelais ce chien à l’arrière des autos qui avait plus de talent pour jouer la comédie que quiconque ici ; peut-être parce qu’il se taisait, lui.

© Philippe Delacroix

Monsieur de Molière aurait bien du chagrin s’il apprenait que l’on tronque ses textes et qu’on les fasse jouer par des moins que des chiens ; les algues alentours, indifférentes aux tours de passe-passe ainsi qu’aux aboiements, recevaient sans faillir des membres de l’équipage leurs sourires béats ; le capitaine absent restait seul au-dessus, loin, très loin même de l’esquif à tout jamais perdu, plus au-dessus encore, sans doute au firmament et profitant déjà de la gloire de n’avoir été là.

J’ai connu une fille autrefois qui habitait Joinville-Le-Pont. Il y a longtemps, maintenant. J’étais jeune, à l’époque. Aujourd’hui encore je pense à elle chaque jour que Dieu fait et à la promesse que nous avions échangée. Jamais je ne pourrais oublier cette journée de bonheur total à Joinville-Le-Pont.

Dom Juan
D’après
: Molière
Mise en scène : Marc Sussi
Assistante à la mise en scène : Emma Morin
Scénographie : Damien Schahmaneche
Lumière : Laurent Bénard
Conception costumes : Isabelle Deffin
Costumière : Karelle Durand
Avec : Joris Avodo, Frédéric Baron, Philippe Bérodot, Simon Eine, Jonathan Manzambi et Lyn Thibault

Du 17 septembre au 22 octobre 2010

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette, 75 011 Paris
www.theatre-bastille.com

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