Critiques // « Dogugaeshi », par la Basil Twist Company, au Mouffetard, Biennale Internationale des arts de la marionnette

« Dogugaeshi », par la Basil Twist Company, au Mouffetard, Biennale Internationale des arts de la marionnette

Mai 16, 2015 | Commentaires fermés sur « Dogugaeshi », par la Basil Twist Company, au Mouffetard, Biennale Internationale des arts de la marionnette

ƒ article de Camille Scordia

url© Richard Termine / Tandem Otter Product

Au fond d’une scène obscure, des panneaux peints, cloisons coulissantes typiques des habitations japonaises, s’ouvrent et se referment sans cesse, découvrant un palais asiatique raffiné. Une chanteuse et joueuse de shamisen, Yumiko Tanaka, interprète, sur un plateau pivotant, des chants traditionnels japonais. Derrière ces panneaux mouvants et constamment repoussés, un animal, marionnette aux allures de chien blanc à la longue queue poilue, se cache et réapparaît. Il semble être une figure mythique et légendaire parmi toutes celles qui peuplent l’imaginaire collectif foisonnant de la culture japonaise. Fil rouge d’un récit éclaté, cette bête évolue dans un paysage fantasmatique où sons, vidéos, lumières et décors défilent dans un ballet obsédant. Il est question de l’île d’Awaji, une île isolée où un pont est construit pour la relier au monde moderne et l’ouvrir à la culture occidentale. C’est de cette île dont est originaire le Dogugaeshi, nom de cette technique scénique japonaise où les panneaux, tels des castelets en mouvement, forment un décor en constante métamorphose.

Avec ce spectacle, qui tourne depuis 10 ans dans le monde entier, la Basil Twist Company présente son appropriation d’une technique marionnettique découverte lors d’un voyage au Japon. Récit abstrait et purement figuratif, Dogugaeshi se range dans la catégorie des spectacles qui, plutôt que de raconter, composent, par petites touches, une ambiance. Et celle-ci s’avère particulièrement accaparante. Ensorcelé par les images spectrales du mont Fuji, des extraits de télévision japonaise et des effets de lumières aveuglants, le spectateur se trouve littéralement hypnotisé. Mais au milieu de cette farandole d’images et de sons, oscillant entre le merveilleux et l’inquiétant, la bête légendaire ne tient pas un rôle important, excepté une scène de danse, où l’animation de la marionnette relève plus de l’illustration que de l’interprétation. Que ceux venus voir un interprète animer et mettre en jeu une marionnette soient avertis : rien de tout cela n’est visible. Précisément, c’est ici où le parti pris de la Basil Twist Company se révèle fragile : quand narration et interprétation font défaut, il ne reste qu’un spectacle “sons et lumières”, qui peut être joué et rejoué à l’infini, comme un film, sans que son contenu s’en trouve changé. Il n’y a pas véritablement de théâtre, faute de personnage et de moments de jeu, et si la technique marionnettique des panneaux animés est une expression  intéressante de l’art de l’animation, elle ne suffit pas à elle seule, à remédier à la désincarnation totale du spectacle. Sans dramaturgie, Dogugaeshi ne rend pas vraiment compte de la richesse des possibilités de jeu de la marionnette.

Dogugaeshi
Écriture et mise en scène de Basil Twist
Création musicale et interprétation en direct Yumiko Tanaka
Création son Greg Duffin
Création des projections Peter Flaherty
Création lumière Andrew Hillassisté d’Ayumu Poe Saegusa
Directeur technique David Ojala
Interprétation Kate Brehm, David Ojala, Jessica Scott et Basil Twist

Du jeudi 14 au jeudi 28 mai 2015
Du mardi au samedi à 20h, dimanche à 17h, vendredi 15, jeudi 21 et mardi 26 mai à 14h30

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73, rue Mouffetard – 75005 Paris
réservation 01 84 79 44 44
www.lemouffetard.com

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