Critiques // « Dialogue d’un chien avec son maître » de Jean-Marie Piemme au Rond Point

« Dialogue d’un chien avec son maître » de Jean-Marie Piemme au Rond Point

Sep 15, 2010 | Aucun commentaire sur « Dialogue d’un chien avec son maître » de Jean-Marie Piemme au Rond Point

Critique d’Evariste Lago

Dialogue de sourds…

Jean-Marie Piemme, belge de son état, écrit sa première pièce, Neige en décembre, en 1986. Il est l’auteur d’une trentaine de textes dont Dialogue d’un chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis qui raconte la rencontre entre un portier bohème et un chien. L’affaire paraît banale. Elle l’est moins au regard de ce chien qui parle et qui transpire l’humanité. Tous les ingrédients du conte de fées sont réunis : la mort, le chien manque de mourir en traversant une autoroute, le malheur, un homme, portier dans un hôtel et vivant dans une caravane délabrée, dont la petite fille a disparu et une belle histoire, celle de leur rencontre et de leur sauvetage.

Tragédie clownesque donc, aux allures d’histoire pour enfants qui, ne nous y trompons pas, raconte bien davantage. L’homme hurle, aboie et grogne face à ce chien qui ruse et ose appeler un chat… un chat. Tout est bon à critiques : la pollution, la misère, les politiques, la politique, les intellos, les assistantes sociales… la vie. C’est aussi l’histoire de deux destins : celle d’un chien polisson à la Charlot qui adore les coups fourrés et celle d’un sale maître. L’histoire d’un con de « clebs »… une histoire de cons qui ne s’écoutent pas. Celle d’une sale humanité qui ne s’écoute plus. Enfin, l’histoire d’un homme et se son meilleur ami et surtout une écriture qui se veut féroce et éclairante.

… et cicatrices.

Férocité du texte pour ne pas laisser indifférent et entraîner la réflexion, tel est le but recherché par Jean-Marie Piemme et Philippe Sireuil, le metteur en scène. Une caravane et un fauteuil délabrés pour ne pas encombrer le plateau et l’esprit, car le plus important est le texte. Une mise en scène moderne et épurée. Un écrit aux allures de critiques sociales débité par des personnages au langage chatoyant et aux grandes gueules.

Philippe Jeusette interprète le maître, tout à la fois tendre et effrayant, avec sensibilité et retenue. Pas d’artifice ni de fausse pudeur, juste le texte et rien que le texte. Il n’en fallait pas plus. Un petit cabot : Fabrice Schillaci, qui s’amuse de ses oreilles de cocker et de sa queue. Les emprunts à Chaplin sont nombreux et, heureusement, bien appropriés. Les deux acteurs tiennent dans la gueule un beau morceau… de texte et s’amusent à nous mordiller voire nous mordre. Nous ne pouvons repartir sans quelques cicatrices qui, sûrement, se refermeront dès l’entrée du métro ou aux portes de nos berlines. La satire de notre société par le théâtre est devenue si banale qu’on arrive à ne plus l’entendre parfaitement. Le plus effrayant n’est pas de se faire mordre par un texte qui nous égratigne mais de s’habituer à l’entendre.

Dialogue d’un chien avec son maître
sur la nécessité de mordre ses amis

De : Jean-Marie Piemme
Mise en scène, scénographie et lumières : Philippe Sireuil
Avec : Philippe Jeusette et Fabrice Schillaci
Musique originale : David Callas
Assistante à la mise en scène : Christelle Alexandre
Costumes et assistante à la mise en scène : Catherine Somers
Stagiaire à la mise en scène : Olivier Lenel
Effets spéciaux : Tof Théâtre
Photos projetées : Ysé Sireuil
Réalisation décor et costumes : Ateliers du Théâtre National de la Communauté Française de Belgique
Voix off : Nathalie Laroche et Rose Sireuil

Du 14 septembre au 10 octobre 2010

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue D.Franklin Roosevelt, 75 008 Paris
www.theatredurondpoint.fr

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