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Delusion of the fury de Harry Partch, mise en scène de Heiner Goebbels, au Théâtre Paris-Villette

Juin 29, 2016 | Commentaires fermés sur Delusion of the fury de Harry Partch, mise en scène de Heiner Goebbels, au Théâtre Paris-Villette

ƒ Article de Camille Scordia

Aufführung der Komposition " Delusion of the fury " von Harry Partch in der Musiktheater Inszenierung von Heiner Goebbels mit dem Ensemble musikFabrik in der Jahrhunderthalle Bochum im Rahmen der Ruhrtriennale 2012-14 am Mittwoch, 21.08.2013

© Wonge Bergmann

Delusion of the fury est un opéra qui se situe au carrefour de plusieurs influences, du Théâtre Nô japonais à la farce africaine, en passant par la tragédie grecque. Librement inspiré de ces récits et rituels, ce spectacle apparaît comme un récit épique à tiroirs, découpé en plusieurs actes. Sur scène, un gigantesque champ de bric-à-brac sonore s’impose, décor aussi monumental qu’étrange, composé d’instruments inventés, à l’aspect et au son totalement inconnus. Une très belle composition visuelle, où l’œil ne se lasse pas de d’observer la juxtaposition des instruments et des décors. Leur coordination, dans un mélange assez répétitif, laisse le spectateur pantois d’admiration. Les sons se heurtent les uns aux autres, alternant douceur et violence, répétitions et variations, embarquant ainsi l’auditoire dans une rêverie agréable.

En déjouant les attentes acoustiques du spectateur avec une musique contemporaine, l’opéra invite parallèlement à un choc culturel entre plusieurs civilisations et cultures. Là où l’on s’attend à une ambiance de célébration traditionnelle d’origine africaine, la musique convie le spectateur à un voyage dans la musicalité d’inspiration asiatique. Ainsi le parti pris artistique semble être celui du syncrétisme culturel : les cultures s’enrichissent dans leur confrontation, leur association. Faire croiser des traditions musicales africaines et des percussions japonaises permet de comprendre mieux ce qui caractérise chaque culture.

Au delà de ce pari, audacieux mais foncièrement stimulant, l’opéra nous propose une narration assez disloquée. Malgré la présence d’un panneau qui annonce, par écrit, les actes et certaines actions, il est véritablement difficile de suivre l’histoire, et même d’en saisir les tenants et aboutissants. Des chevaliers, des duels, des batailles, des rencontres ont lieu, mais l’absence de personnages récurrents, de paroles, chantées ou écrites, rend la tâche ardue. Si des moments clés, de chœur principalement, permettent de comprendre des bribes narratives, cela relève davantage de suppositions que de certitudes.

Pour conclure, si l’on peut louer la créativité, les qualités musicales et l’esprit de recherche sonore avérés, les aspects théâtral et dramaturgique de l’opéra laissent à désirer. Malgré une mise en scène colossale, une créativité indéniable, des chants magnifiques, il manque une trame narrative solide pour accompagner le langage sonore, et donner du sens à cet opéra.

Delusion of the fury
Opéra de Harry Partch
Mise en scène Heiner Goebbels
Scénographie et lumières Klaus Grünberg
Costumes Florence von Gerkan
Dramaturgie Matthias Mohr
Réalisation informatique musicale Paul Jeukendrup
Collaboration chorégraphique Florian Bilbao
Direction musicale Arnold Marinissen
Développement du projet pour l’Ensemble Musikfabrik Beate Schüler
Facteur des instruments Partch Thomas Meixner
Facteur des objets gonflables Frank Fierke
Ensemble Musikfabrik

Production de la Ruhrtriennale – Festival of the Arts
En coproduction avec l’Ensemble Musikfabrik, le Holland Festival et le Lincoln Center Festival de New York

Durée : 1h15
Samedi 18 juin à 20h30

Théâtre de la Villette
211, Avenue Jean Jaurès
75019 Paris
01 40 03 75 75

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