Critiques // « De Mes Propres Mains » de Pascal Rambert, Théâtre des Bouffes du Nord / Festival Rambert à nu

« De Mes Propres Mains » de Pascal Rambert, Théâtre des Bouffes du Nord / Festival Rambert à nu

Juin 17, 2015 | Commentaires fermés sur « De Mes Propres Mains » de Pascal Rambert, Théâtre des Bouffes du Nord / Festival Rambert à nu

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

umaisn© Marc Domage

45, 50 minutes qui vous essorent, vous étrillent et vous laisse à sec, désarçonné. Planté là, raide dans sa rondeur, pas même au centre du plateau, les pieds nus, Arthur Nauzyciel dégorge le texte de Pascal Rambert. Introspection tendue, scansion qui gifle, débit dévalé. Récit halluciné, fragments arrachés d’une vie qu’on broche dans le chaos, lambeaux après lambeaux, dans le désordre d’une souffrance lucide, exacerbée, devenu indolore, et que l’on crache dans l’urgence absolue, juste avant l’inéluctable. Un trop plein de vide, une vie qui vous ronge d’appétits insatisfaits, cette impression têtue d’être passé à côté. Préavis de suicide. Et dans ce flot intarissable et précipité que plus rien ne semble pouvoir retenir, qui nous submerge, quatre ou cinq pauses qui vous tombent dessus sèchement, à peine de quoi reprendre son souffle, de capter un instant le regard oblique et déterminé et jusque-là fermé d’Arthur Nauzyciel tout entier immergé dans ce texte infernal et bouleversant. Un regard insondable, impénétrable, déjà dans la résolution du dernier acte de sa vie. Il n’y a que les bras qui bougent, scandent involontairement le texte, oscillent comme un aveugle résolu qui chercherait à tâtons une issue. Le décor unique du théâtre des Bouffes du Nord, sans doute jamais vu aussi nu et dépouillé dans la lumière crue d’Yves Godin, projette en échos une infinie solitude, isole, éloigne encore davantage cet homme perdu et déjà loin prêt de plonger dans le gouffre. Dépouillée aussi la mise la mise en scène, rêche, attachée au corps d’Arthur Nauzyciel qu’elle fiche au sol, droit comme un i, déterminé. Attachée également à cette voix qui débite ce texte comme un chien ronge un os et ne lâche pas prise. Jamais Arthur Nauzyciel, dans l’étau du texte et de la résolution ferme de son personnage ne desserre l’étreinte. C’est de bout en bout tenu, tendu. Et nul salut. « De mes propres mains » c’est du théâtre à mains nues, brut. Un moment de rare humanité dépouillée. Vital.

« De mes Propres Mains » de Pascal Rambert
Textes et mise en espace de Pascal Rambert
Lumières Yves Godin
Avec Arthur Nauzyciel
Théâtre des Bouffes du Nord
37bis boulevard de la Chapelle
75010 Paris
Du 16 au 18 juin 2015 à 19h
Réservations : 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

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