À l'affiche, Critiques // Dans un canard, écrit et mis en scène par Jean-Daniel Magnin au Théâtre du Rond-Point.

Dans un canard, écrit et mis en scène par Jean-Daniel Magnin au Théâtre du Rond-Point.

Avr 28, 2017 | Commentaires fermés sur Dans un canard, écrit et mis en scène par Jean-Daniel Magnin au Théâtre du Rond-Point.

ƒƒ Article de Victoria Fourel

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© Giovanni Cittadini Cesi

Stagiaire depuis trois ans, Donald prend une rapide pause-déjeuner avec le fondateur historique de la boîte. Quand ce dernier est retrouvé mort au fond du canal, Donald se fait passer pour l’ami intime de Gégé, joue soudain un rôle dans le scandale autour de cette mort soudaine, et devient la chair à canon absurde des patrons.

Certains sujets semblent soudain omniprésents. Les relations humaines inhumaines, les conditions de travail dans les bureaux, et la manipulation des employés semblent en ce moment prendre toute la place qu’elles méritent. Corporate, au cinéma ces dernières semaines, et Dans un canard en sont les preuves. Ce spectacle prend les codes de l’univers du travail de bureau, son lexique, ses clichés, son arrogance, pour les détourner. On doit tout reconnaître sans que rien ne soit vraiment réel. A la fois dans l’écriture et dans la direction d’acteurs sont présentes les postures du patron (Eric Berger est exactement au bon endroit, main dans la poche et bassin légèrement en avant), les inflexions de la RH (Emeline Bayart, qui tire d’une caricature un très chouette personnage), les portes de l’ascenseur qui se ferment lentement dans un silence gêné. Tout ceci même si l’on n’a jamais goûté aux joies du monde de la très grande entreprise. C’est comme si Caméra Café  rencontrait Beckett. C’est hyper drôle et incroyablement triste.

La mise en scène est plutôt ingénieuse, avec du volume, et différents plans. L’ascenseur est central, avec ses rouages visibles, il y a aussi des paravents, des rambardes pour figurer le canal, il y a les baies vitrées des grands bureaux. Tout cela joue et joue bien. Le but est de donner du rythme. En effet, Jean-Daniel Magnin ayant choisi de recourir à la narration en direct du personnage principal, on craint l’overdose explicative et les montagnes russes au niveau du rythme. Si en effet quelques idées de mise en scène sont tributaires de cette sorte de voix off, comme certaines conversations à la face, ou le saut parfois un peu rapide d’un personnage à l’autre, le rythme reste excellent, les répliques sont lancées haut et fort. Comme si l’on voulait faire taire la voix de Donald le stagiaire.

Ce qu’il y a d’intéressant, au théâtre, ce qui peut être défini comme un lieu commun, même, c’est la distorsion du réel, son dérèglement. Le fait de ne savoir si l’on est ému ou atterré, si l’on doit rire ou pleurer, si l’on doit y croire ou tout rejeter d’un bloc, comme une pure fiction. Ce titre, qui ne prend sens qu’en allant au bout du spectacle, reflète le monde de l’entreprise et le mal-être qui y règne : beaucoup de malice et d’absurde, de danger, aussi. Le décalage est là, donc. Le propos aussi.

 
Dans un canard
Texte Jean-Daniel Magnin
Mise en scène Jean-Daniel Magnin
Avec Quentin Baillot, Emeline Bayart, Eric Berger, Manuel Le Lièvre.

Du 22 avril au 14 mai 2017
Du mardi au dimanche à 18h30. Relâche les lundis.

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
Métro Champs-Elysées – Clémenceau.
Réservation 01 44 95 98 00
www.theatredurondpoint.fr

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