Critiques // « Dancing Grandmothers », chorégraphie et mise en scène Eun-Me Ahn au Théâtre de la Ville, Festival d’Automne à Paris

« Dancing Grandmothers », chorégraphie et mise en scène Eun-Me Ahn au Théâtre de la Ville, Festival d’Automne à Paris

Sep 30, 2015 | Commentaires fermés sur « Dancing Grandmothers », chorégraphie et mise en scène Eun-Me Ahn au Théâtre de la Ville, Festival d’Automne à Paris

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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Toujours la même exubérance, toujours cette incroyable énergie et pourtant il se mêle à tout ça une profonde émotion, une gravité légère. Dancing Grand Mothers, portrait d’une génération silencieuse, ces femmes aujourd’hui âgées, ces ajoumas – soit épouses et mères ayant de fait renoncé à toutes séductions – qui dans la danse retrouvent une liberté effacée par leur rôle attribué au sein de la société coréenne. Eun-Me Ahn balaye effrontément, audacieusement, les règles sociales établies pour imposer sur le plateau un joyeux débordement. Ce qui s’exprime sur le plateau c’est un corps défait, usé par le travail et le temps, certes, mais surtout et avant tout la mémoire de ces corps, contenants de gestes simples, quotidiens qui deviennent des matrices de danses incroyables. Elles sont bouleversantes ces femmes âgées dansantes, frêles, timides et audacieuses qui sur le plateau affirment soudain leur identité profonde et avancent enfin à découvert, à petit pas, crânement. Filmées dans la rue, dans les champs, sur leur lieu de travail, encore une fois sans musique, juste pour découvrir combien ces corps s’expriment avec une énergie qui dément leur âge, s’affranchissent des regards avec une déroutante pudeur qui en dévoile bien plus. Et sur le plateau, joliment endimanchées comme pour un premier bal, maladroites et gauches et pourtant d’une grâce étrange et stupéfiante, elles expriment ce que la danse a de plus profond et d’archaïque, l’expression d’une mémoire collective enfouie. On se dit alors qu’avec ces femmes la danse, c’est bien plus que de la danse. Il y a une authenticité déroutante, balayant toute technicité, une humanité joyeuse qui vous renverse. Eun-Me Ahn joue avec bonheur et habilement des contrastes entre l’énergie trépidante des jeunes de sa compagnie qui reprennent les gestes de ces femmes, gestes qui s’affolent bientôt jusqu’à la transe, et la fragilité malhabile et heureuse des ajoumas. De cet arc tendu, vibrant, entre deux générations qui s’épaulent, s’accompagnent sur le plateau, la danse, le mouvement semble être en continu, affranchi de toute temporalité, contenu pourtant en quelques fractions de temps, celui d’une chanson. Et l’on est soudain ému de quelques frêles pas ébauchés sur une scie, « tombe la neige » (en coréen), parce que dans ces quelques pas c’est toute une génération qui transmet le poids d’une vie, l’histoire d’un pays. Avec Eun-Me Ahn la danse est affaire de mouvement, quoi de plus normal, mais un mouvement dynamique qui contiendrait dans ses moindres gestes et variations, aussi ténus soient-ils, et malgré les mutations profondes inévitables d’une société, l’ADN d’une civilisation.

Dancing Grandmothers
Chorégraphie, mise en scène, décors et costumes Eun-Me Ahn
Construction scénique Sunny Im, Yunkwan Design
Composition Youggyu Jang
Conseil artistique Chun Wooyong
Costumes Yunkwan Design
Lumières Jang Jinyoung
Vidéo Tae Suk Lee
Film Jiwoong Nam
Avec Eun-Me Ahn, Wan Young Jung, Hyung-Kyun Ko, Nam Hyun Woo, Youngmin Jung, Si Han Park, Hyekyoung Kim, Jihye Ha, Ee Sul Lee, Ki Bum Kim, Hyo Sub Bae
Les grands-mères, Mi Sook Lee, Lee Sub Shin, MiKyoung Lee, SunDeok Kim, Chang-Nang Ahn, Jung Hee Yoon, HeeSook Choi, Dal wha Chung, JungNim Jang, Myunghee Lee, Hong Bun Son
& le grand-père, Sang Won An

Théâtre de la Ville
2, place du châtelet – 75004 Paris
Du 27 au 29 septembre 2015, 20h30 // Dimanche 17h00
Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com

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