ƒƒ article de Dominika Waszkiewicz

© DR

Classique des classiques, pièce casse-gueule s’il en est, Cyrano peuple les planches et les écrans depuis plus d’un siècle. Et pas toujours avec bonheur. En alexandrins fougueux dont la mémoire a bien du mal à se départir, Rostand nous brosse le portrait d’un « héros de roman ». Cyrano aime Roxane. Roxane aime Christian. Cyrano et Christian s’allient pour séduire Roxane. Voilà l’affaire.

Dans la chaleur étouffante de la superbe salle néo-renaissance, les murmures cosmopolites et les lumières s’éteignent. Un prologue muet met en place une brève pantomime : Cyrano enfile son masque noir par dessus le nez postiche. C’est dit, le personnage est là pour nous jouer la comédie. Arlequin malgré lui, étrange flibustier au costume improbable, il endosse ainsi tous les lazzis avant même de nous laisser le temps de crier au cabotinage. Debout près de lui, silhouette noire et masquée, un violoniste. Âme ou muse, double jouant des airs que Rostand lui-même aurait imaginés, il suit le protagoniste comme son ombre. Usant de son archet comme Cyrano de sa verve, il pourfend avec virtuosité le monolithe du texte en lui instillant quelque chose de slave et de fou.

Évoluant dans un décor minimaliste permettant de savourer les touchantes lourdeurs d’un texte que l’on ne se lasse pas d’écouter, les comédiens nous offrent une interprétation revigorante. Bien sûr, nous sommes loin des moires subtiles de Benjamin Lazar. Et Christian n’a pas le charme délicieusement blond d’Éric Ruf. Roxane, dont la vérité du jeu fait oublier les aigus discordants, ne transpire pas non plus la préciosité (le doit-elle d’ailleurs ?). Mais cette création du Grenier de Babouchka a l’art de nous tenir en haleine pendant deux heures de pur plaisir, tout en actualisant ce chef d’œuvre trop souvent poussiéreux. Merci !

Cyrano de Bergerac
D’Edmond Rostand
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre
Musique Originale : Petr Ruzicka
Costumes : Corinne Rossi
Décor et Accessoires : Vanessa Rey-Coyrehourcq
Avec : Stéphane Dauch, Charlotte Matzneff, Simon Coutret ou Alex Disdier, Edouard Rouland, Yves Roux ou Grégoire Bourbier, Didier Lafaye ou Antoine Guiraud, Geoffrey Callènes, Emilien Fabrizio, Nicolas Le Guyader, Mona Thanaël ou Barbara Lamballais, Petr Ruzicka ou Survier Flores ou Aramis Monroy

à partir du 10 septembre
20h45
durée 2h

Théâtre le Ranelagh
5 rue des vignes
75016 Paris
Réservations : 01 42 88 64 44
www.theatre-ranelagh.com

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