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Critique ・ « La maison de Bernard Alba » de Federico Garcia Lorca, au Théâtre des Bouffes du Nord

Fév 11, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « La maison de Bernard Alba » de Federico Garcia Lorca, au Théâtre des Bouffes du Nord

ƒ Article Camille Hazard

 

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©Mani Muller

Au début du XIXème siècle, dans un village reculé d’Espagne, l’église sonne le glas pour l’enterrement d’un père de famille ; dès lors, un deuil de 8 ans est décrété par la mère, pour elle et ses quatre filles. 

Symbole des enchaînements physiques et psychologiques, provoqués par les carcans traditionalistes, religieux et communautaire d’un village, Federico Garcia Lorca donne naissance à une langue poétique et violente. Ecrit en 1936, ce texte annonce en visionnaire, « un monde de plus en plus stérile et inhumain, où s’affrontent différentes stratégies de survie, face au règne sans partage d’une idéologie autoritariste. »

Si la mise en scène de Carole Lorang est fine, rendant le texte de Lorca tout à fait intelligible, avec des costumes sobres évoquant parcimonieusement l’époque et le lieu, on regrette de ne pas assez ressentir l’Espagne avec ses couleurs chaudes, passionnées et violentes. Car dans la pièce, il s’agit bien de corps incandescents qui brûlent de vivre et de se cogner à  la passion. Ces filles ont le feu sous la jupe…

L’éducation patriarcale puis matriarcale, dirigée d’une main de fer à la mort du père, montre à quel point la vie a quitté le village depuis bien longtemps. La pièce s’achève par ce dernier mot « silence » prononcé par Bernarda puis, se referme comme un tombeau. Les quatre filles, telles des furies, sont dressées par une mère qui prône le silence et l’effacement face aux hommes mais qui provoque perte et fracas au sein du giron familial lorsqu’il s’agit de « sauvegarder l’honneur de la famille ». Les langues et les ventres ne peuvent se délier sous peine de se voir exclus, condamnés, mis au ban de la communauté et côtoyer la mort…

Carole Lorang choisit un comédien pour interpréter le personnage d’Angustias (Jérôme Varanfrain). Le mélange des genres est intéressant (surtout en ce moment…) mais n’ajoute rien au propos de Lorca. La très belle présence de la grand-mère incarnée par Véronique Nosbaum amène une douce folie morbide et enfantine. Sa voix transperce le silence lorsqu’elle chante son envie de porter un enfant tout en dorlotant une bûche … La comédienne Renelde Pierlot, tout en étant à l’écoute de ce qui se joue sur scène, garde un regard perdu, lointain, qui tente de s’échapper dans le souvenir du bonheur passé lorsqu’elle était enfant…

Enfin, quel dommage de ne pas avoir utilisé « simplement » le décor du Théâtre des Bouffes du Nord ; des murs rouges sanguines, décrépis, épais et forts mais  fissurés par le temps… Les quatre portants qui forment les murs de la maison avec des persiennes font danser des ombres carcérales sur le visage de prisonnières mais ne font pas oublier l’espace vide tout autour qui aurait pu être utilisé à bon escient.

 

 

La maison de Bernarda Alba
De Federico Garcia Lorca
Mise en scène de Carole Lorang
Traduction et adaptation Mani Muller
Musique originale de Franz Leander Klee et Florian Appel
Scénographie et costumes Peggy Wurth

Avec Sylvie Jobert, Bach-Lan Lê-Bà Thi, Rita Reis, Jérôme Varanfrain, Anne Lévy, Nina Ros, Véronique Nosbaum, Renelde Pierlot.

Du 7 au 15 février
Tous les jours à 20h30, relâche dimanche et lundi

Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, rue de La Chapelle – 75010 Paris
M° La Chapelle
Réservation au 01 46 07 34 50
www.bouffesdunord.com

 

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