Critiques // Critique ・ « Clôture de l’amour » de et mis en scène par Pascal Rambert au Théâtre du Rond-Point

Critique ・ « Clôture de l’amour » de et mis en scène par Pascal Rambert au Théâtre du Rond-Point

Fév 24, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « Clôture de l’amour » de et mis en scène par Pascal Rambert au Théâtre du Rond-Point

ƒƒ  Critique Suzanne Teïbi

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 ©Marc Dommage

Combat amoureux

Le combat débute. Sur le plateau – une salle de répétition blanche et nue – l’homme vient d’entrer, suivi de la femme. Immédiatement, dans une véritable urgence de dire, l’homme commence à sortir de lui ce qui doit être sorti. Les mots de la rupture. Des mots d’une violence inouïe.

Manifestement, ils vivent ensemble depuis longtemps, ils ont des enfants, ils ont partagé un amour très fort, et cette rupture est inattendue. Dans un flot unilatéral de mots, le spectateur reçoit, en même temps que la femme, cette nouvelle fracassante en pleine figure.

La femme, c’est Audrey Bonnet. Elle jouera Audrey. L’homme, c’est Stanislas Nordey. Il sera Stan. Des personnages qui portent le nom des comédiens, qui sont physiquement traversés par eux. Pascal Rambert a écrit ces rôles pour eux, du sur-mesure que le spectateur pourra éprouver durant ces deux heures de combat habité.

Audrey encaisse sans rien dire, et elle va encaisser pendant une heure, à mesure que Stanislas Nordey, avec cet engagement qui le caractérise, mouille littéralement le maillot. Mais si elle ne dit rien, son corps tout entier réagit, la réception est palpable, même de trois-quarts et en silence.

A la fin de ce monologue où tout le corps est impliqué, saisi, tendu puis tordu, pas une  parcelle du tee-shirt de Stan qui ne soit pas rempli de sa sueur.

A la fin de ce molonogue, on peut être pris de claustrophobie. Quoi ? Il a dit tout ça ? Il a balayé leur histoire, sa souffrance, son asphyxie, son impossibilité de continuer ? C’est fini, a-t-il dit. Mais elle ? Est-elle tenue de tout recevoir sans rien dire, sans avoir le temps et l’espace pour répondre ?

Un groupe d’enfants entre dans la salle de répétition qu’il dit avoir réservée pour répéter. Alors les enfants répètent : ils chantent Happe d’Alain Bashung.

Cet interlude salutaire donne le temps nécessaire à Audrey pour se ressaisir. Alors les rôles sont échangés, d’abord physiquement – Audrey et Stan ont lentement échangé leur place. Mais pas seulement.

Appel d’air

« Je ne suis pas d’accord ». Comme on le ferait au théâtre, lui répond-elle, le choc des points de vue va alors pouvoir se déployer. C’est à Stan de se taire et de recevoir ce qu’Audrey a à dire.

Pour le spectateur, ce droit de réponse est un véritable appel d’air. Car la frustration qui peut s’être s’installée en lui – le mettant dans la situation du personnage d’Audrey – va pouvoir s’estomper. Avec la réponse d’Audrey, c’est aussi le spectateur qui répond à Stan.

Et cette réponse est époustouflante.

Au-delà de ce qui est dit – elle revient à peu près sur chaque point qu’il avait évoqué, elle démonte une à une les attaques, elle désamorce l’argumentaire qui semblait si bien rôdé – Audrey Bonnet est bouleversante. Son jeu, très différent de celui de Stanislas Nordey, est tout aussi fort, tenu, démesuré. Le corps est investi tout entier, la diction est surprenante, puissante. Elle dégage une émotion à la mesure de la violence de la situation.

Et le corps de Stan, si ancré dans la première partie du spectacle, est atteint par la justesse de la réponse. Il s’affaisse. Il devient fébrile.

Le projet est impressionnant, fort, impeccablement maîtrisé, dans l’abandon et dans les fêlures mêmes. Si la situation de la rupture amoureuse est universelle, ce n’est pas forcément le sujet qui bouleverse le plus. Ce qui bouleverse, c’est cet engagement, cette implication totale.

 

 

Clôture de l’amour
Texte et mise en scène: Pascal Rambert
Scénographie: Daniel Jeanneteau
Parure : La Bourette
Arrangement musical : Alexandre Meyer d’après Happe d’Alain Bashung, Jean Fauque
Lumières : Pascal Rambert, Jean-François Besnard
Assistanat à la mise en scène : Thomas Bouvet
Avec: Audrey Bonnet, Stanislas Nordey

Jusqu’au 2 mars 2014 à 20h30
Dimanche à 15h, relâche les lundis

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris
Métro Franklin Rosevelt
réservations:01 44 95 98 21
www.theatredurondpoint.fr

 

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