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Critique • « Tout ce qui nous reste de la révolution c’est Simon », au Théâtre de la Commune

Mai 11, 2012 | Aucun commentaire sur Critique • « Tout ce qui nous reste de la révolution c’est Simon », au Théâtre de la Commune

Critique de Jean Roissy

Trois jeunes femmes et un ancien Mao en quête de certitudes.

Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon se définit comme « une proposition » adressée au public, sans « conclusion définitive ». Par le biais d’un travail dramaturgique et de mise en scène, assumé collectivement, un spectacle prend forme qui s’apparente à un état des lieux, parfois communs. Celui d’un héritage rendu difficile, voire, d’un dialogue devenu impossible entre deux générations (« ceux qui ont connu les barricades », et la « génération sacrifiée », « génération chômage », qui leur succède) avec en partage, les évènements de mai 68. Sur le plateau, trois jeunes femmes et Simon, « celui qui » a connu 68, figure du héros révolutionnaire, romantique, ancien mao, désormais âgé de 62 ans et qui en est le premier surpris.

Le spectacle s’ouvre sur un énoncé heurté, confus : une jeune femme d’aujourd’hui se propose de nous parler de ce qu’est, pour elle, mai 68. Et c’est un magma de références, slogans, et autres éléments agglomérés d’un discours mille fois entendu. Une parole qui semble ne plus rien désigner d’autre qu’elle-même, « une histoire de bouquin », dit-elle, au même titre que la révolution française. Signe d’un évènement devenu lointain, figé dans son mythe, dont les mots qu’il a produits (ou qui l’ont produit) ne se déclineraient plus que sous une forme nostalgique ; avec plaisir, entre anciens combattants, avec envie et reproches, pour « ceux qui ne sont pas nés au bon moment ». De ces oppositions générationnelles découlent autant de questions : qu’en est-il aujourd’hui de l’engagement ? Du « nous » ? Des rapports de couple ? Elles se posent ici sous forme de sketchs, témoignages, vraies fausses vidéos : comme celle de cet enfant, souriant blondinet, de la bouche duquel sort une troublante profession de foi dans le libéralisme comme état de nature, horizon définitif, et qui se moque avec insouciance des mirages révolutionnaires de 68.

A travers la génération des actuels trentenaires, qui se sont heurtés un jour à mai 68, référence indépassée de leurs luttes, aussi bien intimes que sociales, se définit une adresse : « Mes parents sont de gauche mais ne luttent pas », dit d’entrée de jeu une des comédienne. Adresse d’actrices (et acteur) de gauche, à des spectateurs supposés tels. La « gauche qui ne lutte pas » vient au théâtre s’amuser du reflet de son impuissance ; au point qu’on peut se demander si le reflet ne participe pas de cette impuissance dont il reconduit le constat, qu’il réitère et à sa manière, réifie. Nous ne sommes pas capables, car nous ne sommes pas capables, donc nous sommes incapables. Peut-être les slogans de 68 avaient-ils cette capacité de rendre capable, à la manière de prophéties auto-réalisatrices ? Mais, presque au terme du spectacle, survient une proposition nouvelle : Trouvons ensemble ce dont nous sommes vraiment certains, exige une des comédiennes. La difficulté de l’exercice révèle sa nécessité. Cette invitation à la naïveté, au dépassement du cynisme, ouvre d’autres perspectives. Celle, par exemple, d’un nouveau travail scénique, qui commencerait par là.

Les spectacles du collectif  l’avantage du doute –  Tout ce qui nous reste de la révolution c’est Simon , et La légende de Bornéo -, tous deux présentés au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers (La « légende de Bornéo » à partir du 30 mai seulement), assument une esthétique interrogative, qui, si elle n’aboutit à aucune affirmation, se nourrit d’une réflexion et d’une documentation sincères et fournies, partagées avec intelligence et générosité.

Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon
Dramaturgie et mise en scène collectives du Collectif « L’Avantage du doute »
Avec Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas, et Pierre-Jean Etienne.

Du 9 au 16 mai 2012
Du mardi au samedi à 21H – Dimanche à 16h30

Théâtre de la Commune
2 rue Edouard Poisson – 93300 Aubervilliers
Métro : Aubervilliers-Pantin-Quatre Chemins
Réservation  01 48 33 16 16
www.theatredelacommune.com

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