ƒ Critique Dominika Waszkiewicz

© Nicolas Joubard.

Venise. La nuit. Des masques. « Nous vivons une époque où les gens accmplissent tant d’actions horribles… ». Au milieu d’un décor composite, entre lustres déchus, échafaudages bringuebalants et monceaux de végétation, d’étranges personnages aux allures sauvages envahissent le plateau de leur volumineuse verve. Ce sont les amis de Gennaro, jeunes gens fougueux évoluant dans un monde nocturne à la fois voluptueux et redoutable. En contre-point, s’avance, le visage dissimulé derrière un loup doré, la célèbre et crainte Lucrèce Borgia, empoisonneuse, adultère et incestueuse. Elle couve des yeux le beau Gennaro endormi…

La peinture des bas instincts : un chaos grotesque

On comprend bien vite la volonté affichée d’exprimer toute la dimension chtonienne et grotesque de ce drame. Les personnages semblent victimes de leurs propres pulsions, charnelles, malsaines, cyniques souvent. Gubetta (le remarquable Thibault Lacroix) surtout, avec son insatiable gouaille, apparaît comme un démon au service des penchants les moins avouables de sa maîtresse Lucrèce (Marina Hands).

Mais, des costumes à la scène, en passant par la musique, une forte impression de désordre et de laideur renforce hélas l’incohérence de l’ensemble et nous éloigne de la quête de sublime indissociable de l’univers hugolien. Il y a de l’énergie mais cela part dans tous les sens. Le jeu des comédiens reste très inégal. On les trouve souvent engoncés dans d’indescriptibles costumes, transmettant assez difficilement les intentions d’un texte complexe, maladroits sur un plateau qui ne leur appartient pas.

Heureusement que la subtilité du jeu de Marina Hands, insaisissable sylphide, tour à tour mère éplorée et cruelle vengeresse, donne une saveur plus aboutie aux deux heures passées à retrouver les élans de jeunesse de Victor Hugo. Par sa présence, toujours juste, elle parvient à nous faire croire à une Lucrèce tout en nuances, forte et fragile, femme et mère, ange et démon. Bravo !

Lucrèce Borgia
De Victor Hugo
Mise en scène : Lucie Berelowitsch
Assistant à la mise en scène et conseil dramaturgique : Kevin Weiss
Musique : Sylvain Jacques
Scénographie : Kristelle Paré
Conseil chorégraphique : Nasser Martin Gousset
Lumières : Sébastien Michaud
Costumes : Caroline Tavernier
Avec : Dan Artus, Guillaume Bachelé, Antoine Ferron, Jonathan Genet, Julien Gosselin, Marina Hands, Thibault Lacroix, Nino Rocher, Boris Sirdey, Élie Triffaul

Jusqu’ au 19 octobre 2013
Relâche les lundis et dimanches (sauf matinée du dimanche 13 octobre à 16h)
Durée : 2 heures sans entracte

Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Square de l’Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau 75009 Paris
Métro: Opéra, Havre-Caumartin, RER A Auber
Réservation: 01 53 05 19 19
athenee-theatre.com

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