ƒ critique May Lee

©Jeff-Rabillon.

Une femme est dans sa cuisine. Sous un torchon, sa pâte est en train de lever. Elle patiente. Guette la sonnerie du minuteur. Prend des poses impatientes. Puis quand la sonnerie retentit, son monologue commence. « Elle est toujours là ». Qui ? On ne sait pas. Elle nous parle « d’elle », qui semble la poursuivre, l’habiter, marcher dans ses pas comme un double envahissant. Tout en parlant, elle malaxe la pâte et au fil du discours, fait apparaître une bague – celle de son mariage qui bat de l’aile ? – un cornet de glace – pour remplir son vide intérieur ? – et un petit personnage au tempérament suicidaire. Elle est toujours là. Qui ? La tristesse ? La mort ? On ne sait pas tout à fait. Elle maintient l’ambigüité. Et puis elle livre plus ouvertement ce qui la tourmente, cette façade qu’elle tente de maintenir face aux enfants, ce corps qui exige des sensations fortes pour se sentir exister. Cette petite voix qui lui enjoint de lâcher le nourrisson qu’elle tient dans ses bras ou de succomber à l’appel du vide. Une femme troublée.

Pourtant, cette pâte qu’elle malaxe et qui aurait pu nous en dire long reste une idée formelle et peu aboutie. Élément féminin par excellence, symbole de l’attachement, voire de l’enchaînement au foyer, elle aurait pu révéler le sous-texte. Là, elle est réduite à un rôle illustratif, souvent déconnectée du texte, comme une bonne idée de départ devenue encombrante. Difficile aussi d’entrer dans cette histoire à cause du mode de jeu : la quête de connivence permanente avec le public nous met à distance des profondeurs possibles du texte, jamais vraiment de plain- pied face à un travail d’actrice vivant un authentique état. De clins d’œil en clins d’œil, la superficialité gagne le plateau, jusqu’à ce que le travail marionnettique avec la pâte reprenne le dessus. Il ne reste alors plus grand chose du personnage de cette femme, redevenue simple manipulatrice.

L’Enfer
Texte : Marion Aubert
librement inspiré de L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde
Mise en scène : Laurent Fraunié
Interprétation : Babette Masson
Scénographie : Grégoire Faucheux
Composition musicale : Ivan Gruselle
Costumes : Alexandra Wassef
Lumière : Sébastien Lefèvre
Jusqu’au 24 novembre 2013
Du mardi au samedi à 20 h – Dimanche à 17 h
Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard, 75005 Paris
Métro Place Monge – Censier-Daubenton – Cardinal Lemoine
Réservation 01 84 79 44 44
www.theatredelamarionnette.com
www.labelbrut.fr

 

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