Critique de Marie Surget

Le théâtre des Bouffes du Nord accueille la pièce Journal d’un corps de et avec l’écrivain Daniel Pennac. Présenté sous forme d’un journal entretenu quotidiennement par un homme entre 1936 et 2010. De la découverte naïve de son corps d’enfant dont le fonctionnement n’est pas toujours maîtrisé, à la description de plus en plus précise de sensations de plus en plus intimes. L’auteur-interprète nous fait part d’un texte brûlant de souvenirs sensoriels, émotionnels et affectifs.

« C’est à première vue le plus intime des journaux intimes »

Seul en scène, muni de ses écrits mais pas de son histoire personnelle, Daniel Pennac conte l’histoire d’un esprit qui regarde son corps de ses douze à ses quatre-vingt-sept ans.
Les nouvelles sensations, les surprenantes réactions, les transformations… Il ne s’agit pas d’une analyse scientifique de notre anatomie, mais d’une découverte permanente de cette machine qui traduit ou trahit la pensée, établit un répertoire de sensations, parle et surprend son « propriétaire » à tous moments de sa vie…
Troublé par cette manifestation intense du corps, un jeune garçon décide de prendre le temps nécessaire chaque jour pour raconter cette intimité sans ne jamais s’exhiber.
L’auteur-interprète parcourt un chemin de soixante-quinze années de vie avec beaucoup de vérité et d’humanité. Avec comme appui de jeu le récit d’un corps qui n’est pas le sien. Daniel Pennac nous captive par ce rapport subtil qu’il entretient avec ce texte. Les mots sont précisément choisis, les nuances sont parfaitement trouvées. Il sait aussi bien prendre la parole d’un enfant de douze ans que celle d’un homme aux derniers instants de sa vie, car il trouve sa justesse dans ce qu’il est, tout simplement. La voix de l’écrivain résonne, et nous prend avec elle, dans ce théâtre si atypique du théâtre des Bouffes du Nord. Cette scène dont les murs vieillis, mais encore chauds aux pigments rougeâtres-orangés dont la hauteur se conclue par une coupole gravée, est un véritable décor à elle toute seule. Elle offre une qualité de son et d’image à laquelle il n’est d’ailleurs presque pas nécessaire d’ajouter d’éléments de décor comme par exemple, une nappe de pelouse disposée sur une table en bois (renfermant une trappe que le comédien ouvrira pour laisser voir des photographies et des schéma de squelettes, ainsi qu’un sablier qui comptera les derniers moments d’un corps qui se défait de son allure fière et de son fonctionnement si bien étudié). Mr Pennac est déjà un bel élément qui s’inscrit dans l’espace de jeu, il l’investit et en fait le sien pour y laisser une trace à son tour; naviguer dans ce récit qui effectivement était à première vue un journal très intime et qui finalement nous fait comprendre que si il y a bien une chose que nous partageons tous, c‘est cet apprivoisement de notre corps et cet effort de chaque jour que nous faisons pour de le comprendre et l‘écouter.

Journal d’un corps

De et avec Daniel Pennac
Mise en espace: Clara Bauer
Décors, costumes et lumières: Oria Puppo
Du mercredi 24 octobre au samedi 10 novembre 2012
Du mercredi au samedi à 19h
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis boulevard de la chapelle
75010 Paris
Métro: La Chapelle
Réservations: 0146073450
http://www.bouffesdunord.com/

Be Sociable, Share!

•