ƒ Critique de Djalila Dechache

En ces temps malsains qui durent où la crise revient comme alibi dans toutes les strates de la société, évitant ainsi de regarder les choses en face pour y apporter de véritables solutions, La question-titre du spectacle est bien posée. Ce n’est pas un titre anodin et il ne présage rien de réjouissant, qu’est ce qui m’attend sous-entendu de la société, d’autrui, des adultes, des anciens, en terme d’épreuves, de tuiles, de galères.
Une fois passée la question du logement convoitée et la panoplie de ruses pour entrer dans les cases financières définies par les agences immobilières, une fois évoquée la question de la colocation présentée comme réponse à la pénurie de logements, une fois évoquée la problématique de l’orientation après la troisième ou même celle des docteurs à Bac plus 10 qui végètent dans plusieurs jobs de fortune, de dépannage, enfin arrive la question apparemment résolue des stagiaires. Comme c’est commode un stagiaire : on lui fait faire un travail que personne ne veut faire et en plus il est très mal rémunéré lorsqu’il l’est. « C’est une expérience, c’est bon pour mon cv » répètent-ils en cœur.
L’effet pervers de cela est dit dans cette partie du spectacle : les stagiaires tirent une de ces têtes lorsqu’on leur annonce qu’ils vont changer de statut et devenir CDD, c’est que la précarité étant partout, pour tout, pour tous, toute forme d’habitude s’installe.
Tous ces aspects sont connus de tous, de près ou de loin par un enfant, une voisine, un cousin, une nièce. Ils sont subis dans la débrouille de chacun pour sortir des blocages, du marasme ambiant.
On rit enfin de bon cœur face à l’absurdité de la situation consistant à engager des stagiaires totalement déresponsabilisés, sous-payés, exploités qui vont gérer des problèmes dans l’entreprise aussi passionnants que de prendre un stagiaire pour encadrer et former les stagiaires des autres directions, de savoir si dans une fontaine à eau à deux débits, le bouton blanc réservé à l’eau à température ambiante va finir par distribuer de l’eau fraîche comme celle émanant du robinet bleu……
En d’autres termes, la question des jeunes n’a jamais passionné les politiques, à plus forte raison en période de récession comme celle que nous vivons. Sinon nous n’en serions pas là.
Dans le même temps que les représentations, une exposition sonore « MATERIAU BRUT » est présentée dans une petite salle isolée au fond du couloir. Ce montage de paroles reprend les propos des jeunes rencontrés. Là encore, pourquoi confiner cet outil dans un lieu froid qui ressemble à une pénitence ? On y entend des choses justes, questionnant mine de rien les parents d’avoir accepté ce que leurs enfants ne veulent pas :
« On bosse 40 ans de notre vie, moi j’ai envie de bosser dans un job qui me plaît ».
Dans la salle ce soir-là, beaucoup de parents, de grands-parents, ce qui pose un paradoxe : comme on se parle plus ou difficilement, il faut venir au spectacle pour entendre la parole des jeunes, comprendre leurs attitudes, trouver des solutions et des réponses, se rassurer face à la généralisation planétaire.

J’ai 20 ans qu’est-ce qui m’attend ?
Textes de François Bégaudeau, Arnaud Cathrine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman
Direction artistique Cécile Backès et Maxime Le Gall
Mise en scène Cécile Backès
Avec : Nathan Gabily, Pauline Jambet, Maxime Le Gall, Juliette Peytavin, Issam Rachyq-Ahrad, Noémie Rosenblatt
Assistant à la mise en scène : Jérôme Maubert
Dramaturgie :  Mariette Navarro
Scénographie :  Thibaut Fack
Lumières :  Pierre Peyronnet
Création vidéo :  Frédérique Steiner-Sarrieux
Réalisation des images vidéo Thomas Faverjon
Son :  Arnaud Rollat
Costumes :  Camille Pénager
Jusqu’au samedi 8 décembre 2012  – Lundi à 20h, mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h, matinée le samedi à 16h
Théâtre Ouvert
Centre National des Dramaturgies Contemporaines
Le Jardin d’hiver
4 bis, cité Véron, 75018 Paris
Métro : Blanche, Place de Clichy
Réservation : 01 42 55 55 50

www.theatre-ouvert.net/

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