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Critique. « Dans la jungle des villes » de Bertolt Brecht à La Colline

Mai 06, 2012 | 5 commentaires sur Critique. « Dans la jungle des villes » de Bertolt Brecht à La Colline

Critique libre et citoyenne Dashiell Donello

Dans la jungle des vils bourgeois de la culture

Bertolt Brecht (1898-1956), nous dit dans  l’avant-propos de sa pièce « Dans la jungle des villes » :

« Vous vous trouvez à Chicago en l’année 1912. Vous observez l’inexplicable corps à corps de deux hommes et vous assistez au naufrage d’une famille, venue de la région des savanes dans la jungle de la grande ville. Ne vous cassez pas la tête sur les motifs de ce combat, mais intéressez-vous aux enjeux humains, jugez sans parti pris de la forme des adversaires et portez attention sur le dernier match ».

Photo © Elizabeth Carecchio

Un siècle après on pourrait dire à Monsieur le metteur scène : « vous vous trouvez à Paris en l’année 2012. Vous observez l’antinomie entre la prétention de « misère en scène » et le préjudice fait au talent d’un auteur qui ne peut qu’être douteux, si vous ne l’assortissez pas au sérail normé de la néo-noblesse. Vous assistez au naufrage d’une culture venue de la région des paniers de crabes. Ne vous cassez pas la tête sur les motifs  de leur vacuité, mais intéressez-vous à la vérité humaine, jugez sans parti pris de la forme et portez attention sur ce tout ce que cela a coûté aux contribuables. Regardez les vils bourgeois de la culture piler le talent de nos grands dramaturges. »

Qu’est-ce qu’être libre ? demande Brecht dans toute son œuvre. On pourrait répondre simplement : dire ce que l’on pense, revendiquer le droit à la différence, affirmer son mécontentement et ne pas applaudir un spectacle qui nous a ennuyé. Mais dans la néo-noblesse culturelle, il est de bon ton de faire courbette au moindre petit Marquis des scènes publiques, de ne jamais dire ce que l’on pense et d’applaudir contraint et forcé dans l’espoir d’être dans le bon clan. Pourtant loin du théâtre le monde souffre et l’adversaire est le bourgeois culturel qui au lieu de servir l’avancée humaine sert la technologie et l’argent. Or, la technologie ne pourra jamais suer, saigner ou penser. L’homme éclairé, oui. Si nous faisons un théâtre politique qu’il soit vraiment politique et non une mode pour des branchés insignifiants. Si nous voulons  qu’il soit vraiment de combat, alors redressons les manches d’une pensée offensive.

La jungle que vous croyez dénoncer, c’est la votre, c’est-à-dire la marchandisation de l’art par un « théâtre riche » à des années lumière du théâtre pauvre Grotowskien. A quand la mise aux enchères des rôles pour les acteurs ? Qu’est-ce que ces personnages obèses ? Un cliché grotesque ! Qu’est-ce que ce misérabilisme pour montrer la pauvreté ? Un cliché méprisant ! Les pauvres sont-ils coupables ? Cliché ! Voulez-vous dénoncer la pauvreté ou vous en moquer ? Ce que l’on voit c’est un manque de respect envers des familles précaires. Où est la distanciation Brechtienne ? Le cinéma au théâtre (grand écran ! ça c’est le pompon !) que vous nous imposez dès l’entrée du public ? Le théâtre n’est-il pas assez imaginatif, pour nous infliger un film qui cache le manque d’inspiration de la mise en scène ?

Vous avez déjà vendu votre âme à la technologie cinématographique pour faire du théâtre. Ne savez-vous pas raconter un récit au présent ? Ha ! C’est parce que vous aimez le cinéma ? Hé bien faites du cinéma ! Mais ne venez pas sur scène avec la morgue que construit l’ennui. Vous participez à la société spectacle qu’ont critiqués Bertolt Brecht et Guy Debord. Vous êtes dans l’apparence et non dans le concret de la chose que dénoncent ces deux grands hommes. Vous prenez Brecht en otage. Vous voulez lui acheter son opinion comme Shlink. Il semblerait que comme lui vous ne le connaissez pas et qu’il vous est indifférent. Si vous n’avez pas une règle artistique basée sur tout ce que dénonce Brecht à quoi bon le mettre en scène ? Laissez donc Brecht tranquille, il ne vous a rien demandé et surtout pas de lui achetez son talent avec l’euro public.

Vous avez fait descendre la machine à faire vomir les dieux et cette nausée nous n’en voulons plus ! Cette prétention issue d’une bourgeoisie culturelle de bas étage, nous n’en voulons plus !

Pour une fois les absents ont eu raison. Et ceux qui sont partis n’ont pas eu tord. Il n’y a que la vérité qui blesse. Le poète a dit la vérité doit-il être encore assassiné ?

Dans les jungles des villes

De Bertolt Brecht traduction de l’allemand Stéphane Braunschweig Adaptation et mise en scène Roger Vontobel
Collaboratrice artistique et Vidéo Christine Seghezzi
Dramaturgie Anita Augustin
Scénographie Claudia Rohner
Costumes Eva Martin
Musique Daniel Murena
Maquillages et coiffures Justine Denis
Lumière Stéphane Hochart
Assistante costumes Isabelle Flosi stagiaires à la mise en scènes
Miriam Schulte et Raphaëlle Tchamitchian

Avec
Clément Bresson, Rodolphe Congé, Cécille Coustillac, Annelise Heimburger, Arthur Igual, Sébastien Pouderoux, Philippe Smith
Avec la participation de John Arnold

Production La Colline – théâtre national

Avec le soutien du Goethe–Institut de Paris
Le texte est publié à L’Arche Éditeur

Grand Théâtre

Du 4 mai au 7 juin 2012
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

A la Colline – théâtre national
15 rue Malte-Brun Paris 20e
www.colline.fr

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