ƒƒ Critique Camille Hazard
©Nabil Boutros
Un plateau nu et six chaises ont suffi, hier soir, pour porter un théâtre engagé, insatiable, tragi-comique et d’une grande sensibilité. Sous forme de chroniques, la troupe du Théâtre National Palestinien fait vivre le quotidien de son peuple. Loin des images de guerre, de lancers de pierres ou de roquettes dont nous abreuvent les médias régulièrement, Hussam Abu Eisheh, Kamel Al Basha, Ibrahim Jaber Ibrahim, coauteurs de ces chroniques, nous font pénétrer dans l’intimité des foyers, d’un cimetière, d’une discussion entre soeurs, entre mari et femme… Une tragédie quotidienne des individus.
« Ne Laissez pas tomber le rameau d’olivier de ma main. »
De ces chroniques et témoignages, le metteur en scène Adel Hakim, en extrait la sève jusqu’à créer des situations clownesques, absurdes suscitant rires et larmes.
Les six acteurs sont assis formant le choeur de la tragédie puis se lèvent et viennent se placer au centre de la scène lorsque c’est à leur personnage d’intervenir. Le jeu frontal les rend plus déterminés que jamais à parler, à raconter, à transmettre. Les saynètes s’achèvent sur des chants que le chœur entonne à l’unisson, battements de cœur qui insufflent la vie au spectacle. Parfois écrite sur un écran, la traduction en arabe nous est transmise aussi oralement et en direct par le metteur en scène, faisant le pont entre le public et la scène, créant un climat familier de soutien à la parole venue d’ailleurs. De ces situations simples et réalistes, nait le théâtre: les témoins deviennent personnages, les situations sont grossies à la loupe jusqu’au non-sens, créant une autre logique burlesque et désespérée. Bien sûr le rire est un parfait vecteur pour éclairer le spectateur sur certains sujets tragiques mais les rires que nous entendons dans Zone 6, sont des rires ambigus proches de la folie ou de l’hystérie… Rire coûte que coûte pour ne pas lâcher prise, pour ne pas mourir. Car après le déchirement, la peine, l’attente, la colère, la douleur, la haine que reste-il sinon le rire !?
Sans haine ni démagogie, l’écriture égratigne et malmène les gouvernements respectifs, la force militaire transformée en impitoyable machine inhumaine et la religion à outrance; fléau qui annihile toute pensée, tout jugement chez un peuple déjà asservi politiquement.
Un besoin irrésistible de vie et de transmission se dégage de cette troupe;
Une forme théâtrale dépouillée de tout artifice offrant des textes drôles et engagés, une mise en scène convaincante et délicate, des acteurs présents et légitimes.
Zone 6, chronique de la vie palestinienne
Mise en scène Adel Hakim et Kamel Al Basha
Textes de Hussam Abu Eisheh, Kamel Al Basha, Ibrahim Jaber Ibrahim
Avec les acteurs du Théâtre National Palestinien (Jérusalem) : Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Garbieh, Kamel Al Basha, Yasmin Hamaar, Shaden Salim, Daoud Toutah, Adel Hakim
Jusqu’au 26 mai 2013 – Du mardi au vendredi à 20h00 – Samedi 19h00- Dimanche 16h00
Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud – 75011 Paris
Métro : Couronnes ou Parmentier
Réservation 01 47 00 25 20 ou reservation@maisondesmetallos.org
www.maisondesmetallos.org