Critiques // Critique . « Savoir-vivre » de Pierre Desproges. Mise en scène de Michel Didym

Critique . « Savoir-vivre » de Pierre Desproges. Mise en scène de Michel Didym

Fév 07, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . « Savoir-vivre » de Pierre Desproges. Mise en scène de Michel Didym

ƒƒCritique d’Anna Grahm

 

Savoir-vivre1©EricDidym

© Eric Didym

« Ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise » Pierre Desproges

Ils arrivent, lui dans son costume de guingois et elle, avec son chapeau, qui ne cherche pas à plaire. Deux clowns poussés par les lumières qu’ils ont dans le dos, nous racontent à leur manière la Genèse. Nous avons cessé notre course en avant pour remonter le temps avec eux. Ils parlent chacun leur tour, sans se regarder, raisonnent et pontifient, se coupent, se contredisent, spéculent, occultent, recourent à la dérision quand ils ne  courent plus après l’évidence. Ils déclarent, démentent, digressent, le rythme s’emballe puis devient filandreux, chaotique, puis à nouveau s’affiche comme une main tendue.  Ils déroulent l’ordre des choses depuis la Création, créent de légères turbulences à propos de toutes petites choses que nous avions vues mille fois sans vraiment les avoir vues, ils décalent le propos, décollent le vernis, installent une distance à l’encontre des préjugés. Ils s’inquiètent très légèrement des routes suivies, s’en éloignent, y reviennent avec nonchalance, presqu’indifférence. Avec cet air de ne pas y toucher, ils parlent de la femme, de nos comportements, de la mort. Ils rencontrent nos contradictions et maintiennent à leur endroit un regard de travers. Ils pratiquent l’effleurement, s’écartent du sujet pour mieux nous faire douter de ce qui nous fait sourire.

 

Savoir-vivre2©EricDidym

© Eric Didym

 

Exagérer c’est commencer à penser.

L’impertinence de Pierre Desproges nous manque terriblement. Michel Dydim s’empare de sa langue irrévérencieuse pour nous faire entendre à quel point il savait oser. Le duo qu’il forme avec Catherine Matisse comme une paire de ciseaux découpe nos présupposés, dissèque les consensus auxquels nous adhérons, tranchedans notre quotidien,plongedans nos généralités, désosse les idées reçues. C’est sous leur scalpel que nous découvrons nos tris, nos lâchetés, nos fragilités.C’est sous leur bistouri que nous réalisons le cancer qui nous ronge, que nous constatons que ce qui ne devrait plus durer perdure à cause notre approbation. Il ne tiendrait pourtant qu’à nous de se repréciser les imprécisions sous lesquelles nous croulons, si seulement nous pouvions nous permettre d’être un peu surréaliste, si seulement nous savions être un tout petit peu moins de bon ton.

Le texte ‘Manuel de savoir-vivre des rustres et des malpolis’ qui a été édité en 1981, résonne d’une liberté d’esprit étrangement en voie de disparition. Ses interrogations sur le genre, le ton persifleur pour dénoncer le racisme anti blanc nous rappellent la nécessité et même l’urgence d’observer le monde sans relâche, avec la même insolence et le mêmecourage dont Pierre Desproges avait su faire preuve. Lui rendre hommage nous permet de réveiller les torpeurs dont nous nous accommodons, qui nous bercent et nous affaiblissent. Et si,l’interview décousu de Françoise Sagan, reproduit à l’identique, formidablement imité, a fait débat après le spectacle, il nous donne une idée de la ‘cohérence’ que nous offrons, lorsqu’à notre tour, dans quelques années, on s’amusera à nous singer.

 

« Savoir-vivre » de Pierre Desproges

Avec Catherine Matisse et Michel Didym
Mise en scène de Michel Didym

Jusqu’au 9 février – Mardi et vendredi à 20h30 et mercredi , jeudi  et samedi à 19h30

Théâtre 71
3, place du 11 novembre  92240 Malakoff
Métro : Malakoff-Plateau de Vanves

Réservation 01 55 48 91 00
www.theatre71.com

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.