Critiques // Critique . « L’Homme à tiroirs » mis en scène par Jean-Yves Ruf au Théâtre 71

Critique . « L’Homme à tiroirs » mis en scène par Jean-Yves Ruf au Théâtre 71

Mar 03, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . « L’Homme à tiroirs » mis en scène par Jean-Yves Ruf au Théâtre 71

ƒƒ Critique Jean-Christophe Carius

L'HOMME A TIROIRS_03

Sit-in zélé dans l’open space

“Bartleby, le scribe” est une nouvelle d’Herman Melville, l’auteur de Moby Dick, qui parut la première fois en 1853. Elle raconte l’histoire d’un notaire qui engage un nouvel employé en tant que copiste, activité à peu près semblable aujourd’hui à celle d’une photocopieuse. Véritable parangon de son métier dans un premier temps, l’employé se met graduellement à adopter une attitude étrange. Il refuse de plus en plus systématiquement de faire ce qu’on lui demande, répondant simplement avec calme et détermination qu’il “aimerait mieux pas”. Il ne fuit cependant pas ce lieu de travail auquel il semble étrangement attaché, y demeurant de plus en plus longtemps, y compris la nuit. Profondément interloqué et perturbé par ce sit-in existentiel qui prend place dans son étude, le notaire tente en vain de conjurer la hantise qui l’assiège.

“L’Homme à tiroirs” de Jean-Yves Ruf est une œuvre théâtrale originale, destinée au jeunes public, qui prend ce conte social et métaphysique d’Herman Melville comme matière première de sa créativité. Fort de l’imaginaire que leur a inspiré la lecture de ce texte, metteur en scène et comédiens se sont laissés porter par les improvisations d’une démarche créatrice, dont ils revendiquent la sérendipité. Guidant le travail d’expression, Jean-Yves Ruf a favorisé l’émergence d’un spectacle fait de rythme, d’image et de musicalité. Il a facilité l’apparition de cette branche de création dérivée. Bouture au fruit original dont le noyau reste la figure essentielle de “Bartleby”, le contrevenant intemporel de la société industrielle et bureaucratisée, mais dont la chair s’est adaptée à la forme contemporaine de nos aliénations sociales.

Portant dans chacun de ses gestes à la fois l’élan du zèle et le néant de l’improductivité, le nouvel employé de Magnifique SAS est un clown apocalyptique. Dans l’open space, bocal qui cloisonne les esprits, tout s’affole. Courant contre la montre, sautant leurs haies faussement industrieuses, les humains de bureaux saturent les lignes téléphoniques de leurs velléités insensées. Lui, boule de franges échevelée, amalgame de papiers au rebut, joue contre son gré l’agent provocateur. Il personnifie la maladie infantile, grippant l’organisme en manque d’immunité et déclenchant les rougeurs d’un bug fatal. Il pompe l’air du responsable en chef qui, asphyxié d’absurdité, s’effondre en régressant. Une parabole comique et synthétique sur l’urbain au travail, à présenter aux enfants pour que plus tard, peut-être, ils s’y prennent autrement.

« L’Homme à tiroirs »
Conception Chat Borgne Théâtre
texte librement inspiré de “Bartleby le scribe” d’Herman Melville
Mise en scène : Jean-Yves Ruf
Avec : Baptiste Coustenoble, Nissa Kashani et Antonio Troilo
Scénographie et accessoires : Maxime Kurvers assisté de Kristelle Paré
Costumes : Kristelle Paré
Lumières : Azéline Cornut
Son : Jean-Damien Ratel
Assistant à la mise en scène : Matthias Urban
Durée: 50 min

Théâtre 71
Jusqu’ au 1er mars – Mer, jeu 19h30 – Représentations scolaires  jeu 14h30  vendredi 10h30 et 14h30

3 Place du 11 novembre
92240 Malakoff
Réservation :  01 55 48 91 00
Métro: Châtillon Montrouge ou Malakoff Etienne Dolet
http://www.theatre71.com

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