Critiques // Critique . Le prix des boîtes de Frédéric Pommier. Mise en scène de Jorge Lavelli

Critique . Le prix des boîtes de Frédéric Pommier. Mise en scène de Jorge Lavelli

Mar 23, 2013 | Aucun commentaire sur Critique . Le prix des boîtes de Frédéric Pommier. Mise en scène de Jorge Lavelli

ƒ Critique Anna Grahm

prixdesboites

© Mirco Magliocca

« D’où elle vient la poussière » La Grande

C’est l’histoire d’un voyage. La fin du voyage. Les derniers kilomètres. On se promène encore mais au bras de personne, sans boussole, c’est sans aucun repère qu’on se fraie un chemin, qu’on effraie aussi, qu’on passe les bornes sans prévenir, sans transition. C’est l’histoire du passage d’une rive à l’autre, de vie à trépas, on zigzague entre les choses, on glisse sur les êtres, on s’arrête au milieu du désert et on chasse les mouches. Et on désespère de se tenir droit et on cherche son équilibre mais on dévisse, divague, mais on se disperse. C’est le moment de la déprise, du bégaiement, on sort de son rôle, on se détache de sa branche, dans l’hiver on s’envole, on devient bizarre, bancal, soupe au lait, incohérent, on bute sur les mouches.

On prend des libertés qu’on juge déraisonnables, on perd le sens commun, le sens de l’argent, de la mesure et du temps. On ne compte plus ni sur l’horloge, ni sur ses semblables, ni sur soi-même, on ne doute de rien quand tout le monde s’interroge. Que faire répond le monde, à tous ceux qui demandent Qui es-tu. Tout est tragique et cocasse et truculence. L’indigence se faufile entre insolence et souffrance, entre impertinence et renoncement. C’est une histoire fusionnelle, où les responsabilités se déplacent, c’est la petite histoire de nos conduites sociales, c’est un hymne à la vie.

« Avant les biscuits tenaient mieux dans les assiettes »

C’est l’histoire de deux sœurs, deux grandes tiges longilignes, restées vieilles filles, amoureuses de leurs chats. Vissées à d’identiques réflexes, entre caresses et coup de grisou, les habitudes ancestrales des deux demoiselles vont virer au fantastique quand la Grande va doucement redevenir une petite fille. Quand leurs éternels échanges vont être de plus en plus brouillés, et qu’il faudra accepter de ne plus être reconnue. Mais la Petite s’offusque, s’indigne, minimise, mais la Grande s’oublie, régresse, s’enfonce dans la nuit des temps. Et si la Petite résiste, s’accroche, s’entoure des conseils du médecin, des mille et une attentions d’une auxiliaire de vie, si les portes sont fermées à clé et qu’on se relaie à chaque instant, les comportements immatures, impudiques, les cris épuisent, les cris signent la fin de la communication.

Repli surveillance tentative de cohésion tout est fait pour se protéger de la culpabilité. En vain. Car malgré la tendresse infinie, entre Francine Bergé et Catherine Hiegel, malgré tout l’amour déployé par Catherine Hiegel pour maintenir un lien, malgré les bons soins de Liliane Rovère, il faut mettre à distance, renégocier les règles du jeu, enfermer la folie. Alors Jorge Lavelli, l’argentin, sublime, arrange la dignité qui se brise, colle des néons dans la prison peuplée de hurlements et de mouches et ce qui devrait nous faire pleurer devient drôle, et ce qui est réel va au-delà de l’effondrement, et l’on est stupéfait de la force morale, de l’audace qui transpire, quand on regarde les choses autrement.

Mais au fait, saviez-vous qu’en Hollande dans un village qui s’appelle Hogewey, on avait déjà pris les devants ?

 

Le prix des boîtes
De Frédéric Pommier
Mise en scène de Jorge Lavelli
Avec Francine Bergé, Catherine Hiegel, Francis Leplay, Raoul Fermandez, Sophie Neveu Liliane Rovère
Du 21 mars au 13 avril 2013
Mardi à 19 h du mercredi au samedi à 20h
Matinées exceptionnelles dimanche 7 avril à 16 h et samedi 13 avril à 15 h
Théâtre de l’Athénée
7 Rue Boudreau, 75009 Paris
Métro : Auber
Réservations : 01 53 05 19 19
Athenee-theatre.com

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