Critiques // Critique ・ « L’assommoir », d’après l’œuvre de Zola, au TOP

Critique ・ « L’assommoir », d’après l’œuvre de Zola, au TOP

Fév 17, 2014 | Aucun commentaire sur Critique ・ « L’assommoir », d’après l’œuvre de Zola, au TOP

ƒƒ Critique Rachelle Dhéry

Assommoir

©Frédéric Desmesure

« Grandeur et décadence ». C’est ainsi qu’on aurait pu appeler cette bouleversante œuvre de Zola. 

Difficile de ne pas écrire des pages et des pages autour de l’histoire de Gervaise, qui gagne à être connue de tous. Gervaise Macquart, mère de deux enfants et abandonnée par son mari, décide de s’installer à Paris pour y réaliser des rêves simples : ouvrir une blanchisserie, manger convenablement et mourir dans son lit. Elle s’installe à la Goutte d’Or et se remarie à Coupeau. Gervaise travaille dur pour réaliser son rêve. Pendant quelques temps, sa famille va connaître et mener une meilleure existence, pleine de promesses. Malheureusement, après un accident, son nouvel époux, Coupeau, sombre dans la paresse et dans l’alcool. Gervaise préfère ignorer l’évidence et poursuit son rêve, entourée de sa fille et de son voisin, qui éprouve pour elle bien plus que de l’amitié. Mais la paresse va l’atteindre à son tour et peu à peu, sa vie va s’effondrer. Pierre après pierre, c’est tout son petit univers qui va s’écrouler. Elle finira loque, morte sous un escalier, après avoir connu elle aussi l’alcoolisme, la folie, la prostitution, bref… la décadence.

Concentrons-nous sur la version proposée par le Collectif Os’O au TOP ces derniers jours. À ceux qui souhaitent voir une représentation classique de l’œuvre, passez votre chemin, vous risqueriez de secouer la tête en marmonnant dans votre barbe. Ici, point de naturalisme, point de quatrième mur. Le collectif nous plonge dans un univers brechtien, aux forts accents berlinois. D’ailleurs, au bout de quelques minutes du spectacle, il ne fait aucun doute sur l’origine allemande du metteur en scène David Czesienski. Tout y est : la folie des corps, l’excès, l’ivresse, l’impudeur, la distanciation poussée à l’extrême. Seule note française, ici, pas de nudité. Peut-être pour éviter de choquer ? (À la rigueur, pour une fois, la nudité sur scène aurait peut-être eu un sens.)

Alors, comment ces jeunes se sont emparés de cette histoire ? Imaginez, vous, public, êtes voisins de table dans un bar avec une bande de six comédiens, trois couples précisément. Ils décident de vous plonger dans l’histoire de Gervaise, et endossent tour à tour tel ou tel personnage de la narration. Acteurs, conteurs, ou narrateurs, ils nous invitent, à coups de verres qu’ils s’enfilent jusqu’à plus soif, à découvrir ou re-découvrir la terrible épopée de cette blanchisseuse. Sur scène une longue table recouverte de bouteilles et de verres, entourée de chaises. Côté jardin, un juke-box qui ne fonctionne pas toujours et tout autour des grands murs blancs, une nappe blanche, qui évoque l’univers de la blanchisserie. Cela fait sens. Dommage que le décor ne se salisse pas au fur et à mesure, comme les vêtements portés par les protagonistes. Comme l’ivresse qui les gagne peu à peu, à leur tour ils sont possédés par la frénésie de l’histoire, de l’alcool et finissent honteux, comme un lendemain de fête, où on aimerait tant oublier ce qui a été dit ou fait.

Une fois qu’on a fait notre deuil, acceptant de ne pas voir une Gervaise plus « classique », il faut reconnaître que le pari de cette mise en scène est plutôt réussi. L’ambiance du livre est là, en filigrane. Les acteurs prennent un plaisir non dissimulé à investir et retranscrire cette émouvante histoire. Servi par une troupe de talent, ce spectacle, à la fois moderne et subtil, est un bel hommage à l’auteur et ravira entre autres les lycéens qui peineraient à entrer dans son univers.

L’assommoir
D’après Emile Zola
Mise en scène David Czesienski
Un spectacle du Collectif OS’O

Avec Bess Davies, Baptiste Girard, Lucie Hannequin, Charlotte Krenz, Tom Linton & Tristan Robin
Assistanat à la mise en scène : Cyrielle Bloy
Costumes : Lucie Hannequin
Création maquillage : Carole Anquetil
Création lumière : Denis Lamoliatte
Création son : Jean-Christophe Chiron
Construction du décor : Natacha Huser et Loïc Férier
Création le 27 janvier 2011 au studio de création du TnBA

Jusqu’au 14 février

Théâtre de l’Ouest Parisien
1 place Bernard Palissy (face au 87 av J.B Clément) 92100 Boulogne Billancourt
Métro : Boulogne
http://www.top-bb.fr/

Site de la Compagnie
http://www.collectifoso.com

 

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